L'histoire :
Enfant, l’italien Giambattista Belzoni adorait construire des moulins à eau avec son frère, qu’ils positionnaient tous deux sur les rivières de leur région d’origine, Padoue. Ainsi, bien que fils de barbier, il s’orienta logiquement vers des études d’ingénieur hydraulique. Mais c’est avant tout sa corpulence qui lui permet de rencontrer sa femme et de voyager : avec ses 2,01m et ses 130 kilos, il tord des barres de fer au sein d’une troupe de saltimbanques, surnommé le Sansom de Patagonie. Au fil de ses voyages et de ses rencontres, il fait la connaissance à Lisbonne d’un émissaire du pacha d’Egypte, qui l’invite à venir moderniser l’arrosage des champs de son pays. Belzoni, sa femme et son domestique James débarquent ainsi au Caire et découvrent sa tumultueuse vie urbaine. Ils sont tout d’abord hébergés dans la chiche bicoque de leur traducteur, Monsieur Baghos. Ils n’y restent pas longtemps, car ils décident de remonter le Nil pour aller voir une des sept merveilles : la pyramide de Khéops. Baghos les accompagne et leur fait des traductions simultanées. Or la troupe reste bloquée un mois à Boulaq, le temps que Belzoni se remette d’une blessure à la jambe infligée gratuitement dans la rue par un soldat revanchard envers les occidentaux. Enfin, un jour, Belzoni est présenté au Pacha, un homme puissant, riche et cruel. Il lui fait la démonstration de ses capacités d’ingénieur en montant lui-même une machine électro-statique. Il sauve ainsi la tête du médecin personnel du pacha et obtient l’autorisation de fabrique une machine hydraulique capable d’extraire 448 litres d’eau en 5 minutes avec l’aide d’un seul bœuf. Une prouesse qui va lui attirer quelques ennuis…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’authentique mais méconnu Giambattista Belzoni était une force de la nature et un ingénieur hydraulique italien, assimilé pionnier de l’égyptologie par la force de ses découvertes : il fut le premier de l’ère moderne à entrer dans le temple d’Abou Simbel et dans la pyramide de Kefren. Le récit de ses truculents voyages sera adapté en trois tomes, à partir du journal de bord de Madame Belzoni, par Grégory Jarry et Nicole Augereau. Le mode narratif est original : quelques paragraphes très littéraires, mais tourné avec une dérision bienvenue, introduisent les séquences et présentent les contextes, les personnages. La bande dessinée par Lucie Castel, qui prend le relai en s’y imbriquant, utilise elle aussi un procédé mixte, tout en noir et blanc : ses personnages répondent à un style humoristique moderne et rapide, façon rough, et s’insèrent souvent sur des gravures d’époque, ultra-réalistes. Par son caractère enlevé, le dynamisme de son découpage et l’imprévisibilité des évènements, l’ensemble donne l’impression de revivre Isaac le pirate, de Christophe Blain, ce qui n’est pas la moindre des références. La truculence de Belzoni lui-même fait beaucoup dans l’intérêt qu’on porte à ses aventures : colossal, éduqué, scientifique, volontaire, bourru, il emmène ses acolytes dans un tourbillon de rebondissements situés bien en dehors des sentiers battus de la BD mainstream. L’humour se nourrit surtout du choc culturel entre ce héros doté d’un caractère pragmatique et cartésien occidental et les mœurs roublardes et archaïques des autochtones. Les sempiternelles négociations parviennent cependant, au climax de cet opus, à l’extraction et au convoyage rocambolesques d’un buste en pierre de Ramses II de 3 tonnes, à destination du British Museum. Un chantier de désensablage débuté devrait occuper le tome 2 à venir…