L'histoire :
Plus qu’une révolte, c’est une révolution qui se déclenche dans les rues de la capitale du Zaboulistan. Le peuple en a marre de Yevgeni 1er, son dictateur tyrannique, incompétent, hégémonique et alcoolique. Tandis qu’on brûle des mannequins et des photos à son effigie, Yefgeni cuve son Grotch (un puissant alcool d’ail, spécialité du Zaboulistan) dans son lit, en compagnie de deux putes de luxe. Son conseiller spécial, Bogdan, le réveille alors pour son « rendez-vous » : c’est en effet l’heure de Derrick, à la télé. Yevgeni s’installe dans son fauteuil et réclame deux sandwichs de Béluga et une bouteille de Grotch. Pendant ce temps, le peuple est arrivé sous les balcons du palais présidentiel et manifeste bruyamment. Lorsque Bogdan s’en aperçoit, une terrible sueur froide lui parcourt l’échine. Comment peut-il annoncer cela à son autocrate de patron, sans risquer la décapitation pour lui-même et un massacre dans la rue pour son peuple ? Il joue le lâche et explique à Yevgeni 1er que le peuple manifeste pour son anniversaire… heu… très en avance par rapport à la date. Et puis l’air de rien, il lui conseille peut-être de mettre un peu de soft power dans sa dictature, c’est-à-dire de changer les choses sans avoir recours systématiquement à la violence. Mais Yevgeni voit pas trop l’intérêt…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rions un peu avec la figure stéréotypée du dictateur aveuglément autoritaire dans un pays de l’ex-URSS. Telle pourrait être la baseline de cet album scénarisé par Fabien Toulmé, qui se confronte pour la première fois au registre humoristique, et dessiné par Caloucalou, dans le style graphique stylisé et caricatural qui a fait le succès de son blog. La satire s’étire jusqu’à l’absurde et le rocambolesque improbable, et suit un développement en forme d’histoire complète et continue, et non sous forme de gags. Ainsi, les vannes et traits d’humour sont moins attendus et éclosent un peu partout, un peu tout le temps. Un binôme de personnages tient la vedette au cœur de la farce, participant à une cavale imprévisible qui les mènera jusqu’à Paris. Le dictateur Yevgeni, au look de Tchétchène bouffi et bourrin, n’écoute que ses pulsions autocratiques (et embuées par l’alcool de Grotch). Il est un mix entre Nursultan Nazarbaïev (l’authentique dictateur du Kazakhstan) et feu Boris Eltsine (pour l’addiction à l’alcool). Tandis que son conseiller Bogdan, pur produit de l’administration occidentale quelque peu embarrassé et stressé par la situation, s’efforce de l’adoucir et de sauver sa peau. Comme moteur des ressorts comiques, l’angoisse de Bogdan est permanente, car le dictateur abruti ignore tout du long de l’album que son peuple s’est révolté contre son régime. Autre ressort récurrent : la motivation de Yevgeni pour la picole et la baise. Tout cela participe d’une aventure humoristique légèrement « attendue » (d’autant qu’elle fut prépubliée dans Fluide), mais fun et délassante.