L'histoire :
Un matin comme les autres, chez Spirou et Fantasio. Spirou s’apprête à sortir, lorsqu’une enveloppe arrive par la fente de la boîte aux lettres. L’éditeur pour lequel ils travaillent leur annonce que le dessinateur qui s’occupe de leurs aventures part en vacances et qu’il est remplacé par le fils de la concierge. Cette mutation prenant effet immédiatement, Spirou et Fantasio se retrouvent subitement dessinés comme des patates, avec des gros pâtés. Ils fulminent : même le porno qu’ils voulaient regarder à la téloche pour se venger est dessiné tout pourri ! Soudain un second courrier leur parvient. Avant même qu’ils aient eu le temps de le lire, ils se retrouvent dessinés en commandos militaires dans une jungle hostile, avec des musculatures dignes de Rambo. L’éditeur vient de décider de viriliser les héros pour mieux coller aux envies du public qui a grandi. Ils râlent encore lorsqu’un troisième courrier leur parvient, accroché à une flèche tirée contre un arbre. Encore un changement : le dessinateur vient de faire une dépression, il est remplacé par Dudule, le dessinateur animalier. Pouf, les voici sous forme de bisounours dans une maison cul-cul, à devoir dire que des mots gentils. Et évidemment, vu le public cible, pas de pipe, pas de porno, pas de whisky… Fantasio enrage ! Soudain, un coup de fil…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cet album d’Impostures, Romain Dutreix s’est amusé comme un furibond, à mettre en scène les plus célèbres personnages de la bande dessinée dans des saynètes parodiques fort bien senties. L’exercice n’était pas si facile, mais il est parfaitement réussi. Dutreix trouve en effet toujours l’angle d’attaque le plus pertinent par rapport à l’univers des personnages visés. Par exemple, il imagine ce que seraient Boule et Bill qui auraient mal tourné dans une banlieue pourrie. Il explique les problèmes de couple avec un schtroumpf, dans un film de ciné-club façon Ingmar Bergman. Il plonge l’agent 212 dans la peau déshumanisée de Robocop. Il raconte ce que pourrait être une vraie vengeance réussie des Dalton contre Lucky Luke. Il transpose Astérix et Obélix chez les indigènes d’une forêt amazonienne occupée par des jésuites évangélisateurs. Il propose à Blake et Mortimer d’essayer de « vendre » leur univers à Spirou et Fantasio… ou malmène le célèbre groom et son acolyte au travers de décisions éditoriales controversées (cf. Résumé). Bref, le prisme est certes irrévérencieux mais jamais insultant et surtout bidonnant. Souvent, le principe de mise en abyme est employé : les personnages subissent dans leurs formes ce que le fonds de leurs scénarii leur impose. Les effets comiques sont évidents : ils parleront à un large public puisqu’ils impliquent des personnages cultes et détournent des univers balisés qu’il n’est nul besoin de présenter. Mais au-delà, il y a aussi un propos plus piquant : Dutreix pointe aussi les abus éditoriaux qui consistent à ré-exploiter encore et toujours les mêmes personnages, rajeunis ou cross-overisés, sous de nouveaux conditionnements. Un hommage inattendu et intelligent...