L'histoire :
Raymonde et Robert Bidochon ont un drôle de cabot : Kador, une bestiole peu ordinaire qui ne fait rien comme ses congénères. Et ça ! Ça énerve particulièrement papa Bidochon qui s’est fait un devoir de tout lui réapprendre… D’abord l’essentiel, pour qu’il connaisse enfin la vie plutôt que de se chauffer la couenne devant un radiateur en restant puceau. L’amour donc, et la meilleure manière qu’il l’apprenne c’est de lui en faire illico la démonstration. Ainsi, Maman continue de faire la vaisselle, Raymond lui renifle l’arrière-train, avant de l’enfourcher pour s’y agripper copieusement et s’agiter enfin vigoureusement quelques instants. Notre Kador semble désespéré. Mais la leçon du maitre terminé, le voilà qui prend un bon coup de pied dans le fondement, se retrouve dehors pour partir en chasse et ne revenir qu’une fois qu’il aura réussi à s’être planté dans l’intimité d’une de ses semblables. Pas une vie de chien ça ! Et ce n’est qu’un début, car le pauvre animal devra bientôt suivre des cours pour pisser contre un réverbère, rapporter une paire de pantoufles ou donner la papatte contre un sussucre. Franchement pas une sinécure quand on aime la philosophie ou la musique classique et qu’on ne sait comment dire à son propriétaire qu’on veut qu’il nous paye des études à la faculté…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Figure incontournable du 9e art, le couple Bidochon ne serait pas, si Christian Binet n’avait pas, « un jour qu’il méditait sur le problème militaire au Larzac en écoutant un disque des Sex Pistols » (dixit Frémion dans sa préface), eu l’idée de mettre en scène les aventures d’un toutou intelligent et cultivé. Kador était né et avec lui ses inénarrables maitres chargés, pour le mettre en valeur, d’en être le parfait contrepoids. Quatre albums plus tard, cependant, c’est le cabot qui servira copieusement la soupe à Robert et Raymonde, en les mettant sur orbite pour pas moins de 20 tomes de variations franchouillardes gratinées. Car ne le cachons guère : passée la surprise (et les possibilités humoristiques du décalage ainsi créé) de voir le clébard s’exprimer dans un français châtié, distiller son implacable logique, lire Kant au petit déj’, pisser debout contre les réverbères (ou faire la grosse commission assis sur les WC en faisant des mots croisés)…, c’est bien l’abyssale bêtise, les improbables circonvolutions de leur intellect ou leur vulgarité récurrente (un poil de chien plus marquée dans cette genèse de leurs « propres » aventures) qui font tout le sel de cet exercice judicieux. Du coup, l’ensemble est souvent scénaristiquement bavard, un brin statique (un peu à la Achille Talon) mais heureusement ponctué par les saillis délirantes ou brillamment absurdes du couple Bidochon. Jouant du contraste ainsi opéré entre la « classe » de l’animal et la « beaufitude » paroxystique de ses deux couillons de propriétaires, Binet offre tout de même une critique cruelle de notre sens de l’humanité. Prompte, en tous cas, à ravir les fins connaisseurs de l’univers Bidochon.