L'histoire :
Claire, étudiante en jean’s salopette, toque à la porte de son responsable de stage au sein de la Sotipec. Avant de dire « Entrez, ce dernier fait semblant de travailler. Jean-Luc Joulin – que tout le monde appelle Bernard, rapport à l’ancien locataire de ce bureau – continue quelques minutes de faire tip-tip-tip sur son clavier, en rédigeant un mail plein de caractères incompréhensibles, à sa collègue Jacqueline Molinec. Hala la, le boulot, ça n’arrête pas, ça n’arrête pas. Une vie de dingue, cette vie 100% Sotipec. Avant de lui expliquer son job, Jean-Luc doit répondre au téléphone. C’est sa collègue Jacqueline qui vient de recevoir un mail incompréhensible de sa part. Jean-Luc explique que ça doit être un problème informatique provenant soit du carburateur, soit du Delco. Non, parce que les femmes et l’informatique ça fait deux. Soudain, une sueur froide parcourt l’échine de Jean-Luc. Et s’il était en train de dire une grosse bêtise anti-féministe qui allait lui valoir une procédure pour harcèlement ? Il suspend le temps un instant, afin de regarder dans son manuel « La Sotipec à l’heure de #metoo, évolution du process d’interactions intersexuées». Ouf, ça passe. Il demande alors le niveau d’étude de Claire. Bac+5. Trop cool, Jean-Luc appelle aussitôt son collègue Jean-Jacques pour lui signifier comment il l’a trop niqué, lui qui n’a qu’une stagiaire bac+3…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le stage en entreprise est un passage obligé dans le parcours estudiantin de tous les jeunes. La découverte du métier en question peut prendre différentes formes, de l’engagement actif à la tâche ouvrière, en passant par le poste d’observation, voire souvent aux tâches ingrates : faire le café et les photocopies. Pour la jeune Claire, héroïne malgré elle de ce recueil humoristiques de strips d’une demie page, c’est encore pire : ni elle, ni le lecteur, ne sauront jamais ce que fait la Sotipec. Jorge Bernstein met en scène un contexte caricatural d’entreprise décérébrée, ouske les gens qui travaillent dans des bureaux individuels noient leur perte de motivations et de repères, dans une quête constante de vacuité improductive. La pauvresse est ainsi reléguée à un rôle très passif, avec une dizaine de répliques grand max, étouffée par la logorrhée inepte de son responsable, Jean-Luc, et de ses collègues, tous coulés dans le même moule. Ici, le mode d’emploi de la photocopieuse le dispute à la nécessité de faire un PowerPoint. La caricature produite par Jorge Bernstein est à la fois facile et un peu convenue : James avait déjà pas mal fait le tour de la question avec son Dans mon open Space, il y a une dizaine d’années. Au dessin, David de Thuin ne démérite pas et « fait le job », sans faire de zèle au niveau des décors.