L'histoire :
Une belle et forte dame nue et bottée se fait subtiliser par un petit singe malicieux son pot d'encre noire, alors qu'elle se maquillait en son boudoir. Ou bien se dessinait-elle, elle-même, un œil, puisque son deuxième œil n'est pas encore apparu sur son visage ? S'ensuivent une course-poursuite, puis une quête, afin de retrouver l'encre adéquate, qui servira à réaliser le vœu de complétion (et de plénitude ?).
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après plusieurs ouvrages déjà très originaux, Anna Sommer propose ici une œuvre graphique tout en légèreté, puisqu'elle est réalisée à partir de papiers japonais délicatement découpés puis collés, bien qu'il sourde du récit une forme de mélancolie. Celle-ci est à resituer à l'aune de son inspiration, puisée du côté du bouddhisme japonais, et de la figure de Daruma, moine qui aurait médité neuf ans sans interruption afin d'atteindre l'illumination, puis se serait coupé les paupières lors d'un réveil. Dès lors, les porte-bonheurs en papier mâché Daruma – dont les deux espaces vides à la place des yeux doivent être dessinés par leur acquéreur : avant, puis après le vœu s'il est exaucé – seront gardés bien en vue avant d'être brûlés. Cette poursuite de l'encre noire « figurative » – dans les deux sens du terme – amènera cette femme à commettre bien des actions dangereuses et répréhensibles. Dont, telle une Pravda survireuse (l'ouvrage psychédélique de Guy Peellaert de 1968), à braver la vitesse à dos de moto, se faire ensevelir par la lave d'un volcan en éruption, chuter d'une falaise, couler à pic dans l'océan, avant d'enfin trouver une sorte de plénitude. Nous aussi, nous sommes transportés par ce travail graphique apaisant, dont la conclusion nous dépose, tel le personnage principal, en douceur sur une page au doux grammage, tout de papiers en courbes douces colorés collés. Zen.