L'histoire :
A la recherche d'un lit dans le port de New Bedford, un jeune marin veut s'engager à bord d'un baleinier pour y gagner un peu d'argent, mais aussi par goût de l'aventure et de la découverte. L'auberge affiche complet, mais le patron propose à Ismaël de faire chambre commune avec un autre de ses clients parti en ville faire ses affaires. Un lit unique qu'il va devoir partager avec un géant à la peau noire, dont le comportement au milieu de la nuit est aussi étrange qu’effrayant. C'est le début d'une amitié unique qui conduira les deux hommes à bord du Pequod, à la rencontre du capitaine Achab. Ce marin mystérieux et illuminé va emmener tout son équipage à la poursuite du grand cachalot qui l'a jadis amputé d'une jambe. De nos jours, un jeune journaliste et un spécialiste de l'œuvre d'Hermann Melville évoquent Moby Dick, et de quelle manière l'écrivain a voulu écrire bien plus que l'histoire d'un équipage qui va se perdre dans l'affrontement acharné contre un animal sauvage. Le pont du bateau doit être vu comme une scène de théâtre, Ismaël est un personnage symbolique en quête de connaissance derrière les peurs qu'il affronte. Queequeg est le roi d'une île imaginaire, parti lui aussi à la découverte du monde, déjà bien au-delà des préjugés racistes. Du départ de la région de Boston au désastre final, on revit les moments essentiels du livre culte, fort d'un souffle d'aventure et de folie sans égal. Et les relations entre les hommes, symboles de l'humanité toute entière regroupée à bord d'un navire fragile au milieu de l'océan.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce n'est pas une adaptation en bande dessinée que propose Sylvain Venayre pour cette « relecture » de Moby Dick, mais une analyse en profondeur de l'œuvre, une plongée dans les intentions d'Herman Melville illustrée par les moments marquants du roman. Les scènes cultes sont présentes, à commencer par la rencontre entre Ismaël et Queequeg qui partagent une chambre à la veille de l'embarquement. Le graphisme d'Isaac Wens est suffisamment fort pour nous emporter sans difficulté à bord du bateau le Pequod lorsque l'on passe des conversations à propos du livre aux moments forts de l'aventure elle-même. Le dessinateur donne réellement l'impression qu'il a adapté tout le roman, mais qu'il ne nous en montré qu'une partie choisie. Aucune rupture de continuité n'est perceptible. Il était visiblement plongé dans la vie à bord tandis que, d'une certaine manière, son scénariste observait et analysait. C'est un travail ambitieux, très inhabituel, qui titille l'envie d'une relecture de Moby Dick. Il semble d'ailleurs a priori difficile d'aborder cet album sans un minimum de connaissance des mésaventures d'Achab, Ismaël et les autres. Mais on peut tout à fait imaginer qu'il fasse l'effet d'un déclencheur de curiosité littéraire. Il a en tout cas suffisamment de structure et de rythme pour toucher des lecteurs sans a priori, aussi bien que des puristes de l'œuvre qui la lisent et la relisent. La passion est perceptible tout au long des plus de 200 pages, tout comme la qualité du travail entre les deux auteurs et la cohérence de leur approche. Un livre étonnant et stimulant, un projet qui a mis des années à voir le jour, mais une persévérance bien récompensée.