L'histoire :
Ma n'en peut plus de cette vie. Tous les jours, il doit s'enterrer à travailler toute la journée dans la mine. Il ne voit que l'obscurité de la terre, puis, quand il sort, il fait nuit et ne peut qu'aller se coucher, tant il est épuisé. Il ne fait que creuser sans relâche en avalant de la poussière et en inhalant la terre. Chaque jour est un enfer. Il a de plus en plus peur de mourir dans ce trou à rats. Ils creusent tellement qu'ils risquent même d'atteindre le centre de la Terre à ce rythme ! Pas d'échappatoire possible. Il fait partie des classes oubliées et ennemies du peuple. Depuis la Révolution, tout a changé. Pour cela, il doit payer : c'est ce qu'ils appellent la rééducation. Dans ce lent désespoir, il ne lui reste qu'une pensée positive : la petite tailleuse. Celle qui est toujours occupée à utiliser sa machine à coudre. Celle qui a utilisé des mouvements fins et délicats comme si elle était pianiste. Celle qui possède le plus beau de tous les visages avec des yeux éclatants et des traits raffinés. Heureusement qu'elle est là, dans sa tête... D'autant que son ami Luo va très mal : lui non plus ne supporte plus les mines. Il sent des frissons sur tout le corps et il est en proie à de terribles angoisses...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le roman Balzac et la petite tailleuse chinoise écrit par Dai Sijie en 2000 avait secoué le paysage littéraire. Après une adaptation en film, le livre est enfin adapté en bande dessinée. Et le choix de Freddy Nadolny Poustochkine va presque de soi. Cet auteur aux origines mélangées et grand amoureux de l'Asie redonne vie à ce grand roman. Avec beaucoup de justesse et de profondeur, Nadolny dépeint la misère de deux jeunes condamnés par la révolution chinoise. La douleur dans les mines, la solitude et la souffrance, le désespoir et l'angoisse de la mort : les passages où ils doivent aller dans l'enfer des mines sont marquants et dignes des descriptions d'Emile Zola. La bande dessinée joue sur des cases presque indépendantes. L'auteur s'attache à l'expressivité des couleurs et des visages, plus qu'à la narration graphique. Le récit devient morcelé et se fait quasi expressionniste. L'émotion est toujours au rendez-vous et respecte avec profondeur le texte originel. La petite taille des cases donne libre cours au texte et aux citations des romans que lisent nos deux malheureux. On alterne moments durs et espoir, amitié et rêve d'amour, avec la poésie des mots forts et des dessins délicats. Nadolny réussit le tour de force de respecter l'œuvre de départ tout en donnant un ton tout personnel à son album. Un ton magnifique et par petites touches, pour peindre la vie dans son horreur et sa beauté.