L'histoire :
En Italie, l’asile est un droit constitutionnel. Les immigrés y sont les bienvenus. Sous condition d’enregistrement en règle, ils bénéficient de la protection nationale. Cependant, un décret exigé par Mattéo Salvini (homme politique italien) va bouleverser ce droit. Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso se retrouvent en Calabre, une région d’Italie fortement touchée par le chômage, mais aussi par son nombre de réfugiés. Cependant, l’adoption de la loi anti-migrant par le gouvernent de Salvani va influer la suite. Cette région est peuplée de demandeurs d’asile et d’étrangers essentiellement venus de Roumanie, de Maroc et d'Inde. On y découvre le village à dimension humaine de Riace, surnommé « ville de l’avenir », où migrants et autochtones cohabitent au quotidien. Cependant, cette ville utopique fait polémique et son maire Mimmo Lucano (un ancien passager de l’Aquarius), après plusieurs mandats, est suspendu de ses fonctions. Il est accusé d’avoir facilité l’immigration et d'avoir détourné des fonds pour défendre la cause des migrants. Plusieurs personnes racontent leurs périples. Il y a Blessing, une Nigérienne, aujourd’hui mariée à un Italien et maman. Elle est médiatrice de l’organisme de protection des réfugiés. Blessing a fui son pays en guerre avec sa sœur, après la disparition de leur père. Elle raconte l’enfer du voyage, le manque d’argent, les morts, la violence, les pillages et les assassinats. Ils font aussi la connaissance de Buba & Shérif, deux Libyens désormais établis en Italie. Or Shérif n’a pas d’emploi fixe et risque de devoir retourner dans son pays à cause du nouveau décret. Frank leur fait visiter San Ferdinando, un bidonville peuplé d’Africains, où Marco et Lelio ne croisent aucune femmes et enfants. Les hommes noirs y sont débauchés par les caporaux pour travailler à la récolte des oranges. Il y a aussi Ishak, un jeune égyptien. Il est chrétien, une minorité en Égypte. Il a quitté son pays après une violente agression et il a embarqué sur un canot après avoir été laissé pour mort dans une ruelle, baignant dans son sang. Après la fermeture de l’organisme, la situation à Riace s’est dégradée. Les demandeurs d’asile ont été envoyés vers d’autres régions. La ville est devenue déserte et c’est toute une économie qui a basculé.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après A bord de l'Aquarius en 2019, Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso ont poursuivi leurs investigations pour comprendre la suite, ce qu'il se passe après la traversée. L’un questionne et l’autre dessine. Rizzo, au scénario, retranscrit les récits de vie. Bonaccorso les met en image, dessine pendant les interviews. Dans cet album, ils se représentent, se mettent en scène pendant leur périple. Ainsi, le lecteur a l’impression de vivre ces moments en immersion. Bonaccorso reste fidèle à son trait. Ses aquarelles sont à la fois douces et justes, en lavis monochrome gris pour les souvenirs et bleuté pour le présent. Le chapitrage correspond aux protagonistes que l’on croise. Ils utilisent également un dialecte parfois complexe, mais propre à la thématique. Rizzo et Bonaccorso ne prennent pas parti personnellement, ils s'en tiennent aux faits. Certains abusent et s’enrichissent de la misère humaine, car il faut beaucoup d’argent pour espérer une vie meilleure. Leurs investigations présentent un microcosme, une ville devenue symbole, une force d'entraide où chacun propose son savoir. Même si Riace est un modèle, cette zone est mal vue par les autorités et les opposants, qui accusent les migrants de voler leurs emplois et d'apporter des maladies. La cause défendue par cet ouvrage est inévitablement politique. Salvini est d'ailleurs mis en examen pour avoir bloqué en mer un bateau de migrants. Les auteurs dénoncent un fait d’actualité. Ils font un état des lieux cynique d’une réalité qui l’est tout autant. Comme pour leur premier opus, les deux reporters sont soutenus par Amnesty Internationnal. Ce reportage-BD, ces témoignages et cette enquête interpellent. Faisons nous mieux en France, en matière d’immigration ?
