L'histoire :
De nos jours, Christian est un jeune cadre prometteur au sein de la société de BTP Karbell. Il est notamment l’un des cadres qui a œuvré pour que le Mémorial de la Résistance se bâtisse sur la commune de Saint-Yves dont il est originaire. 160 millions seront investis pour l’édification de ce complexe, une merveille d‘architecture moderne et dotée d’un fonctionnement écologique ! Le contrat est signé et stipule que la filiale locale Gaymard, une entreprise de terrassement dans laquelle Christian a jadis travaillé, sera associée aux travaux. Quelques collègues sont dubitatifs vis-à-vis de ce choix et pour le moins arrogants envers la subite percée professionnelle de Christian. Lui est néanmoins certain de sa stratégie et il se donne à fond dans son boulot, quitte à négliger sa femme enceinte. A la pose de la première pierre, Christian rencontre notamment Raymond Langlade, jadis chef des maquisards et aujourd’hui politicien de 92 ans, à l’origine du projet. Charismatique, l’homme fascine Christian, tant par ses anecdotes de guerre bouleversantes, qu’en raison de sa sulfureuse réputation. Est-il vraiment un résistant de la première heure ? Que cela signifie-t-il, d’avoir été « résistant », au fonds ? Issu d’une génération épargnée par les guerres, Christian essaie de comprendre en le côtoyant de plus près…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cet épais roman graphique, le duo Rochepeau-Chouin propose de mêler les heures sombres de l’Histoire de France (l’occupation) à la société contemporaine de l’entreprise et de la politique (et son cortège de conflits sociaux). Au centre du récit, le personnage carriériste de Christian est responsable de l’édification d’un dispendieux Mémorial dédié à la Résistance. Tout en portant ce projet à bout de bras, il est tiraillé entre deux types de valeurs qu’il ne comprend pas complètement et aucune ne lui semble très saine. D’une part, il y a celles issues de la Résistance, l’honneur et le courage… mais on lui fait bien comprendre qu’à l’époque, les choses n’étaient pas aussi manichéennes. D’autre part, il prend soin de sa carrière et il tente de la conjuguer avec la gratitude qu’il doit à sa région, à ses anciens collègues. Là aussi c’est un fiasco… et dans les deux cas, il néglige sans doute l’essentiel : sa famille. Il semble qu’à notre époque moderne, tout comme jadis, la réussite s’accommode mal de droiture. Est-ce exactement le sens du propos tissé par Simon Rochepeau ? Le scénariste, pour qui c’est là la première œuvre de BD, aurait peut-être pu être plus synthétique et moins confus, surtout vers la fin. Malgré des pistes sérieuses, l’ambition était (trop ?) large de vouloir tirer un trait d’union entre les fondements historiques de notre société et les mœurs carriéristes contemporaines. Pour venir à bout des 122 planches de ce one-shot sans s’épuiser, Lionel Chouin utilise un trait stylisé épais, un peu gras, parfois proche du rough, rehaussé de teintes en bichromie, la plupart du temps entre bleue et sanguine. Ce parti-pris aurait été convainquant s’il ne s’était progressivement effiloché au fil des planches : le début est nettement plus appliqué que la fin, plus trouble (à l’image du scénario…). En ressortent une belle intention, d’honnêtes pistes de réflexions et une œuvre à laquelle il manque une démonstration limpide, un petit quelque chose d’aboutissement…