L'histoire :
Derrière son apparence d‘armoire à glace bourrue, Serge est un bon flic français. Il a été expatrié au Cambodge – sans doute pour incompatibilité d’humeur avec sa hiérarchie métropolitaine – pour traquer les délinquants sexuels et les pédophiles. Il suffit qu’il repère un de ces détraqués, qui embarque un petit garçon dans sa chambre d’hôtel, pour que Serge intervienne in extremis. Pour s’en tirer, le pédophile doit lui lâcher 3000 dollars… mais seulement après avoir délivré les infos sensibles que Serge, pressant, lui demandait : la corruption a ses limites et seuls les gros bonnets l’intéressent. Evidemment, Serge s’attire souvent des « ennuis » musclés de la part des petits rabatteurs, qui n’apprécient guère qu’on entrave leur business. Serge fait aussi équipe avec un lieutenant local, Varanat, qui est aussi coiffeur à mi-temps ! (son salaire de flic est trop misérable pour le faire vivre). Ce coéquipier, loyal mais démuni, l’envoie alors sur une grosse affaire : un français qui tient une guest house haut de gamme et qui organiserait des partouzes avec des gamins pour ses clients…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce one-shot en noir et blanc (quoiqu’infiniment plus noir que blanc), le scénariste Stéphane Piatzszek s’attaque à l’ignominieux sujet du tourisme sexuel. Entre magouilles et passages à tabac, le héros est un flic français massif, renfrogné et blasé, un peu au bout du rouleau. Son caractère attachant et cohérent permet au lecteur de s’y assimiler rapidement. La fête des morts qui sert de titre (une coutume locale) est quant à elle à peine effleurée et ne sert que de lointain contexte. Sans atermoiements, mais sans voyeurisme non plus, ce flic s’attaque donc franco à un réseau de prostitution infantile, protégé par une puissante bourgeoisie locale, dans l’entourage d’un orphelinat… Ah oui, on a prévenu : la thématique « néo-colonialiste trash » (dixit Piatzszek) est glauque, mais particulièrement crédible et surtout essentielle. Cela a beau se passer sous les tropiques, sur un bord de mer cambodgien, la noirceur du polar submerge toute velléité de relaxation. Au dessin épuré, Olivier Cinna montre un talent fou pour l’essentiel (quoique peut-être un brin rude pour le grand-public) : quelques traits encrés, d’une grande justesse, des masses de noirs idéalement posées et ses cases suffisent à tout dire. En un sens, les contrastes offerts par la latitude prennent ici toute leur mesure, notamment à travers les ombrages prononcés. Une psychologie de personnage soignée, l’authenticité d’un sujet qui fait froid dans le dos, des encrages aussi spontanés que maîtrisés : Fête des morts est donc un chouette polar noir réaliste et désespéré…