L'histoire :
Un camp de manouches juste à côté d'une déchetterie, dont la seule et unique rue s'appelle l'allée Django Reinhardt : voilà comment Alain le photographe voit le lieu de vie de la communauté sur laquelle il vient faire un reportage. Aidé par une association qui travaille à l'intégration entre les populations, le gadjo va tomber d'entrée de jeu sur le sourire d'une petite fille qui l'emmène chez sa grand-mère. Marie est là qui l'attend, et en quelques instants il va tout apprendre de l'arrivée des gens du voyage sur ce terrain inhospitalier, sur le temps qui passe et sur les difficultés d'être rejetés. Un récit sans fard mais plein d'expériences vécues, avec, en toile de fond, la nostalgie des traditions qui se perdent. En rencontrant le maire le lendemain, Alain va apprendre que le terrain, vendu à l'armée quelques années plus tôt, rendu invivable par le bruit assourdissant des avions de chasse qui décollent, doit être évacué. Il va vivre de l'intérieur l'impossible parcours d'un maire qui veut faire tout son possible pour protéger ses administrés et les reloger au mieux. Et une communauté désarçonnée par l'idée de devoir changer de style de vie, qui resterait volontiers sur un terrain parfois arrosé d'une pluie de kérosène.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y une énorme tendresse dans le regard que portent Piero Macola et Alain Bujak sur cette petite communauté de manouches, comme ils se nomment eux-mêmes. Les deux auteurs sensibilisent le lecteur en l'amenant doucement au-delà des limites immatérielles du terrain vague où ils ont élu domicile, expliquant posément ce que ressentent ces gens du voyage lorsqu'ils investissent de tout leur cœur un lieu en apparence sans âme. L'alternance entre un récit en forme de reportage et de très belles photos en noir et blanc accentue cette empathie visible, rendant tout proches Marie et les autres. La complexité de leur situation – partagés entre la nécessité d'évacuer un terrain insalubre et la peur panique de devoir vivre entre quatre murs – est une vraie leçon de vie. Un exemple parfait de la complexité des choses quand on prend la peine de leur accorder un regard curieux et respectueux. Au delà de cet aspect documentaire, l'album ne cherche pas à offrir un recul particulier. Il se lit comme une expérience racontée par un vieil homme trop gentil pour oser évoquer la vraie dureté des choses, une impression accentuée par le dessin très léger et parfois rapide de Macola. Instructif et touchant, l'album n'est pas un coup de poing, insistant parfois sur des situations proches du lieu commun. Il n'en est pas moins une invitation subtile à ne pas se fier aux apparences.