L'histoire :
Depuis 1969, la France est en pleine crise de l’énergie. Le début des années 70, outre la crise pétrolière, sonne le bétonnage en masse des centrales nucléaires et la diversification des moyens de production de l’énergie. Le but est de supprimer la dépendance au charbon. Car même si la France produit beaucoup avec les mines du Nord et de l’Est de la France, elle doit tout de même importer pour faire face à la demande. En parallèle, l’ingénierie énergétique et civile essaient de redorer le blason de l’énergie hydroélectrique, dont la réputation a été malmenée suite au drame provoqué par la rupture du barrage de Malpasset, prés de Fréjus. Dès 1971, le projet du barrage de « serre de la Fare » est à l’étude avec de nombreux autres sur la Loire. Quelques mois plus tard, l’état déclare la construction des barrages sur la Loire d’utilité publique. A ce moment-là, un petit mouvement populaire va se regrouper pour lutter contre le projet, lutter contre l’immersion de leur village et lutter contre l’ambition de plusieurs élus. Malheureusement, le bruit de la fronde ne se fait pas entendre à Paris et les inondations de 1980 apportent des arguments supplémentaires aux autorités pour légitimer la construction du barrage. L’arrivée d’organisations environnementales et des membres expérimentés dans la lutte va permettre à « SOS Loire Vivante » de porter sa voix et son combat hors des frontières.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La Loire, ce fleuve indomptable, chère à Balzac, traverse une bonne partie de la France, du Puy à Saint Nazaire. L’eau Vive présente le combat des habitants et des associations environnementales pour maintenir un site naturellement sauvage en l’état. Evidemment, ce récit est à replacer dans le contexte de la crise énergétique des années 70. La France cherche à réduire sa dépendance au charbon, qu’elle ne produit pas en quantité suffisante. Il parait antinomique aujourd’hui de nommer « écologique » un combat contre un barrage produisant de l’énergie renouvelable. Même si, évidement, la construction d’un barrage a un impact écologique indéniable, des mesures conservatoires ou compensatoires accompagnent les projets dans le but de les rendre acceptables d’un point de vue écologique et sociétal. Il est à souligner qu’outre le besoin énergétique, le barrage permettait de contrôler le débit de la Loire en amont et ainsi protéger les villes et villages des nombreuses crues dévastatrices. Sur ce point, le collectif « SOS Loire Vivante » a été innovant et novateur, puisqu’il a proposé une solution alternative préservant le paysage et protégeant les rives des crues. Le récit d’Alain Bujak est construit comme un documentaire basé sur un reportage photo. D’ailleurs, certaines cases sont remplacées par des photographies de l’auteur. Il y a beaucoup de passion et d’émotion partagée avec le lecteur qui se retrouve en tant que spectateur au milieu de cette bande d’« Indiens », comme ils étaient surnommés. Au niveau du dessin, Damien Roudeau nous plonge au cœur de la vallée de la Haute Loire avec des planches très colorées et détaillées. Les paysages sont superbes et l’immersion dans ce coin isolé est totale. L’auteur nous livre un très beau travail artistique. L’ouvrage, très plaisant à lire et à regarder, illustre parfaitement ce long combat d’une trentaine d’années, méconnu du grand-public.
