L'histoire :
Dans un pays imaginaire, sous la dictature du grand Monopose, Dimitri Spongia est un petit horloger solitaire, qui survit grâce au marché noir et au système D. Un soir, il se retrouve à 4 pattes dans son bureau pour récupérer une petite pièce, et devient témoin d’une discussion fort intéressante par le truchement du conduit d’aération. L’un de ses voisins, le professeur Barzavotzig, spécialiste de la fission nucléaire, discute de sa fuite vers la confédération des étoiles, terre de liberté. En Monoposie en effet, dès qu’on appartient à une certaine intelligentsia, on cherche à tout prix à quitter ce régime autoritaire atrabilaire. Ainsi Tho-Radia, célèbre chanteuse lyrique est-elle, elle aussi, en contact avec le « passeur » John Chouigom, du service de renseignements confédérés. Mais elle est également surveillée de près par la police de sureté de Pétrovsk. Un soir de neige après une représentation, tandis qu’elle vient de semer l’agent qui l’avait prise en filature dans un parc public, elle assiste à une scène très violente. Dans l’obscurité, Spongia assassine Barzavotzig, lui écorchant le visage à grand coup de pierres pour masquer son identité et prendre sa place…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’idole dans la bombe se révèle une excellente surprise au sein de la nouvelle collection 32 (des récits « feuilletons » de 32 pages, dans un format souple et pas cher). Dans un état totalitaire, proche de ce que fut le régime soviétique à ses heures les plus sombres, nous voilà spectateurs des desseins d’une ahurissante galerie de personnages. Un horloger bidouilleur assassin, une chanteuse d’opéra digne et rebelle, un dictateur iconifié mais grabataire, un savant sacrément résistant… Les situations invraisemblables et réjouissantes dans lesquelles tout ce petit monde se trouve plongé, s’enchevêtrent admirablement. A partir de ces ingrédients de premier choix, le scénario de Stéphane Presle est un petit bijou de non-sens pourtant porteur de sens, dans lequel les accents burlesques allègent une ambiance morose sans s’y substituer complètement. L’auteur rythme en effet cette fable absurde en entremêlant la profondeur politique à une légèreté de ton jouissive. Le mot de passe des confédérés est d’un absurde total, les noms rivalisent d’inventivité (Monoposie, Spongia, Chouigom)… De son côté, Olivier Jouvray emploie le même style de dessin caricatural que sur l’excellent Lincoln, si ce n’est que ses planches sont cette fois entièrement crayonnées. De plus en plus courante dans le 9e art « moderne », cette technique graphique est ici parfaitement maîtrisée, complétée en outre par la mise en couleur volontairement terne de l’épouse du dessinateur, Anne-Claire. Le résultat joue habilement avec la netteté des premiers plans et les arrières plans suggérés, en un tout impeccablement rythmé et palpitant. Vivement juin pour la suite !