L'histoire :
Il y a eu ce foutu contrat, ce dégénéré au goitre naissant qui a tout fait foirer. Il y a eu l’incendie… Et si certains, tels Hambone et Ophélia, ont pu sauver leurs fesses, Bull Rockwell et Elmer Turpin ont, eux, payé l’addition de leurs mauvaises intentions. Aujourd’hui, Elmer sort de l’hôpital de Vicksburg. Dehors, la Grande Dépression continue de polluer l’Amérique et un fourgon cellulaire attend le convalescent. Pas question pour autant de se laisser faire : les médecins ont prédit à Elmer qu’il ne ferait pas de vieux os. C’est donc la belle que le voyou se fait aujourd’hui, pour ne pas passer le peu de temps qu’il lui reste derrière les barreaux. Zimmerman, un petit luthier grincheux, fera les frais de ce besoin de liberté en se trouvant contraint de vider le contenu de son tiroir-caisse devant la mitraillette énervée du fuyard. Ensuite, l’objectif est la station essence de Humbolt Sabich : Elmer a de vieux comptes à régler avec le fils ainé. Mais bien des choses ont changé. En ces temps de crises où des millions d’américains n’ont plus rien, tout le monde veut sauver sa peau, changer de vie. Pas sûr qu’Elmer ait choisi la bonne option…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Entamé à Huzlehurst et ses 2027 âmes, le blues composé par Igort et Leila Marzocchi poursuit sa douloureuse partition sur les rives du Mississippi. Une autre ville, quelques identiques protagonistes et de nouvelles figures se posent sur le manche de la guitare, pour nous jouer quelques mesures de la Grande Dépression. Chômage, racisme, mais surtout égoïsme exacerbé par la misère et l’inaliénable instinct de survie, s’incrustent tout au long de cette complainte écorchée. A nouveau et d’abord portée par son atmosphère, l’histoire est posée par à-coups. On passe ainsi d’un destin à l’autre, on suit peu à peu leurs connexions, évidemment douloureuses, évidemment tragiques. A force de drames, englués dans ce fatalisme communicatif, on se détacherait presque des personnages, convaincus qu’ils ne feront pas long feu. Pourtant, le scénario est bien plus malin, ouvrant le ciel alourdi de quelques éclaircies. Ainsi, il y a ce jeune homme peu inquiet de sa pauvreté et impatient de connaitre son futur neveu, notre guitariste amoureux, un peu passif mais reprenant goût à la musique… Et plus globalement, tout ceux cherchant à infléchir leur destinée avec plus de succès qu’Elmer Turpin. En somme, un final de couplet tendant à démontrer que la vie est bien plus forte que tout. Pour ce qui est de la manière de faire, la voix-off sert à nouveau de métronome et le découpage d’apparence haché est plutôt efficace pour distiller la partition. Evidemment, le morceau proposé perdrait de sa tonalité sans ce dessin atypique, au charme accrocheur, qu’on croirait gravé dans le cuivre et qui imprime toute la force émotionnelle de cette ballade définitivement envoutante.