L'histoire :
Au 19e siècle, battant la campagne du Rouergue autour de Rocmirail, pour ses travaux scientifiques d’historien, Louis Huret se passionne rapidement pour une jeune femme qui y vécut au XVIe siècle et qui semble avoir marqué de son empreinte la région… Luce Dalmayrac naît à Rocmirail en 1568, au moment même où naissent de profonds antagonismes entre catholiques et protestants. Ainsi son père, seigneur du Castel Djoubé, reste catholique quand son cousin le Vicomte de Mirail se convertit à la Réforme. Les 2 familles vivent en bonne intelligence jusqu’au jour où 5000 protestants sont massacrés à Paris, déclenchant des affrontements dans tout le royaume. A Rocmirail, Symphorien de Mirail écrase les Papistes et fait périr son cousin Dalmayrac sur le bûcher. Galéon son fils ainé et sa sœur se réfugient chez un oncle. Quelques années plus tard Luce est mariée à Abélard de Mirail, lui permettant ainsi de s’approprier le Castel et de faire de sa famille le seul maître de la région. Le jour des 20 ans de Luce, Galéon s’invite à la fête et revendique sa propriété. Le duel qui suit cette requête lui est défavorable : il meurt sous les coups de son beau-frère. Le lendemain, Abélard succombe à son tour, victime d’un infarctus. Luce refuse alors de veiller son époux et préfère, malgré l’interdiction qui lui en est faite, se recueillir sur la dépouille de son frère qui gît sur la Grand-Place. Insultée, les Mirail confinent Luce dans une cellule du château et ne lui font plus porter ses repas. En outre, ils refusent à son frère la moindre sépulture et souhaitent, pour l’exemple, laisser le corps se décomposer en place publique. Luce est néanmoins bien décidée à ne pas leur simplifier les choses…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après nous en avoir mis plein la vue aux manettes d’El Nino (avec le compère Boro Pavlovic) et du primé Essentiel Angoulême 2009 Martha Jane Canary (avec l’ami Mathieu Blanchin), Christian Perissin nous la joue surprise en déposant ses crayons gras sur la planche à dessin. En compagnie de Déborah Renault, il revisite avec un certain brio le mythe d’Antigone (vous jetterez un coup d’œil dans les encyclopédies, ce serait méli mélo et compliqué de vous la faire en quelques mots), dans un XVIe siècle gangréné par les guerres de religions. Ainsi, ils accompagnent le destin tragique de Luce qui s’oppose et se venge de sa belle famille au péril de sa vie. C’est simple et complexe à la fois, mais tragique à souhait : à la mesure du modèle mythologique grec emprunté. Faire une critique objective de l’album se révèle être un exercice ardu, car il s’agit incontestablement d’une œuvre à laquelle on adhère ou non. On pourra se satisfaire, alors, d’une mise en scène théâtrale, qui penche sévèrement vers la tragédie. On pourra aimer le dessin contrasté, les visages graves et les paysages brumeux et se plaire à plonger dans un récit intimiste savamment bâti (on laisse par exemple supposer au lecteur, que les faits décrits ont existé). Au contraire on pourra s’ennuyer de cette lenteur voulue, maudire le manque d’action, fuir les visages qui se figent et regretter le manque de souplesse du poignet dans le trait. Enfin, on s’étonnera de n’éprouver qu’une lointaine sympathie pour les quelques protagonistes de la fable qui nous est proposée. Entre approche négative ou positive à vous de juger ! Reconnaissons simplement un indéniable talent de conteur au couple de scénaristes et de réelles aptitudes graphiques à Christian Perrissin.