L'histoire :
L’expérience de la communauté de La Minoterie, en région nantaise, se termine par la journée portes-ouvertes, prélude à sa consécration. Nous sommes dans les années 1970. Mais cette journée marque également les premières difficultés à faire vivre la communauté en autarcie. Economiquement, c’est un fiasco. La vente des petits objets artisanaux est en berne. Or, il faut bien vivre et l’envie de réussite habite néanmoins les membres. La situation les poussant à être rentable économiquement, afin de pouvoir se développer, ils décident de se rendre à Paris au salon des ateliers d’art. Au milieu de la mouvance post-soixante-huitarde, au sein du « souk » du salon, ils décrochent enfin leur première commande : des petites voitures en bois, à leur troisième participation. Pendant que les uns fabriquent les jouets, les autres s’occupent du jardin. Mais voilà, la prospérité a un prix et la communauté doit apprendre à s’organiser et à s’autogérer. La fabrication artisanale devient une petite usine, le site s’agrandit, les enfants sont de plus en plus nombreux. La main-d’œuvre ne manque pas, mais n’empêche pas l’achat de machines de production. Le petit atelier artisanal se transforme rapidement en atelier chinois hippie. Sans pour autant renier ses principes fondateurs, la communauté évolue jusqu’à se confronter aux cultures étrangères. Cette évolution marquera-t-elle la fin de la communauté ? Résistera-t-elle au temps ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Entretiens II finit de narrer l’évolution de la communauté cofondée par Yann Benoît, beau-père d’Hervé Tanquerelle, l’un des co-auteurs du diptyque. En guise de témoignage au quotidien des années d’utopie post-1968, Tanquerelle conte avec intelligence et passion l’expérience de son beau-père et de sa fille, devenue entretemps son épouse. En marge du consumérisme, cette société autarcique n’a pu que s’appuyer sur des concepts économiques. Et la communauté ne résistera pas au temps et à la société de consommation : elle deviendra une petite usine. Ce qui donne au final un bilan certes pessimiste, mais une expérience intéressante et hors norme, défiant les utopies de l’époque. Au contact de la réalité, la communauté s’est disloquée, ainsi que ses principes de vie. Faut-il pour autant condamner cette recherche d’alternatives ? A une époque où la crise «financière» (naturelle ?) s’oppose aux principes émergents environnementaux, remettant en cause les fondations de notre système ultralibéral (d’inspiration anglo-saxonne) devenu modèle unique, ne convient-il pas justement de rechercher de nouveau ces alternatives ? Après un premier tome exaltant et excitant, on regrettera l’absence de développement du devenir des 18 enfants. Notamment, quid de l’incidence de l’éducation en communauté, surtout avec la parole donnée à l’épouse de Tanquerelle, fille de Yann Benoît, qui a fait partie de cette expérience ? La fin a donc un goût amer. Il n’en reste pas moins qu’en marge des attributs formels de l’album, son propos cible une aventure extraordinaire, concrétisant la réalisation matérielle d’une utopie, et nous démontrant qu’avec de la volonté et du détachement, nos rêves les plus fous peuvent se réaliser. Du moins, un certain temps…