L'histoire :
Il faut dire ce qui est : la vie urbaine de Martin l’emmerde. Son roman n’avance pas, son traintrain familial lui pèse. Il sort traîner, en quête d’inspiration, sur un marché aux puces. Sur un stand, à côté d’une statue pourrie du Manneken Pis, une affichette d’un marché de Tétouan, au Maroc, l’interpelle. Le jeune vendeur tente bien de l’embobiner avec sa statuette qui pisse jusqu’à deux mètres, Martin a déjà le regard ailleurs. Il ne lui en faut pas plus pour décider de partir. Il laisse une lettre à sa femme et prend le premier vol pour Tétouan, « la Blanche », pour y rester a priori quelques temps. Car martin y a laissé des souvenirs encore très prégnants, il y a 20-25 ans, du temps où il refaisait le monde en compagnie de son ami Abdellatif. Quelque part, il sait qu’il est venu en quête de son ami, emprisonné jadis dans les geôles politiques d’Hassan II, pour avoir couché par écrit ses idées progressistes. Mais dans un premier temps, Martin se réapproprie la ville et ses mentalités. Il s’installe dans la Medina, tente de faire parler (en vain) un cafetier voisin, se fait imposer une femme de ménage gratuite et discrète par son propriétaire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Drôle de récit introspectif et initiatique que celui de Martin, qui plaque sa femme, sa fille et sa vie bruxelloise, sans plus d’explication que cela, afin de s’installer à Tétouan. Au fil de la lente construction de ce récit signé Christian Durieux, on découvre que ce personnage central (on ne peut parler de « héros », tant son caractère semble antinomique avec le terme) ne récupèrera de paix intérieure que lorsqu’il aura retrouvé la trace de son ami, qui a tant forgé de sa personnalité. Vraisemblablement, Martin cherche aussi à retrouver l’énergie de sa jeunesse, celle qui lui permettait d’envisager refaire le monde. On se laisse alors porter par le récit singulier et fortement emprunt de poésie, sans tout comprendre, cédant aux ellipses et aux non-dits, flirtant tantôt aux frontières de l’onirisme, tantôt avec la démarche politique. On ne comprend certes pas tout dans le détail, mais on brasse une foule de notions essentielles tournant autour de la quête de soi et de la destiné. Coscénariste et dessinateur, Denis Larue (professeur de Jean-Philippe Stassen !) est un auteur particulièrement et volontairement peu productif. Il a mis quant à lui plus de 5 ans pour réaliser cet ouvrage, sur un style graphique « finement épais » (sic), unique, d’une belle maîtrise, qui réclame effectivement beaucoup de recul. A découvrir…