L'histoire :
La Révolution vit des heures difficiles : l’Europe des rois la menace. Des révoltes s’organisent dans plusieurs grandes villes, le peuple à faim… Le Comité de salut public veille et il ne tarde pas à suspecter chacun de contre-révolution. Dans ce contexte, Marat, l’ami du peuple, est assassiné. Dans un élan patriotique, il devient, sous les pinceaux de David, un grand martyr de la République. Robespierre est d’ailleurs très attentif à la réalisation du tableau : l’art n’est-il pas un moyen d’offrir au peuple des exemples de patriotisme et de vertu ? L’inauguration, peu après, au Louvre, un ancien palais royal, du premier musée de la Nation confirme l’intention : lutter, outre les armes, grâce aux œuvres artistiques porteuses de nouveaux idéaux contre les ennemis de la Révolution. Ainsi, dans la galerie centrale, les chefs-d’œuvre de l’Ancien Régime cèdent la place aux tableaux des contemporains qui, tels David et son école, célèbrent le corps masculin, plus apte à caractériser les exploits révolutionnaires. Bientôt acculée par les soulèvements provinciaux, la Convention décrète « La Terreur » pour une série impressionnante de décapitations. Le sujet ne crée aucune division, contrairement à une question qui anime les débats depuis peu : Robespierre souhaite proclamer les cultes libres et donner un idéal mystique dont, selon lui, le peuple a besoin. Peu touché par les arguments de son ennemi Danton, il voudrait que cet idéal s’incarne lors d’une grande fête au printemps, celle de l’Être Suprême dont il demande à David de trouver le visage qui l’incarnerait.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour leur 4e collaboration éditoriale, le Louvre et Futuropolis s’offrent un casting haut de gamme en confiant ce nouveau titre de leur collection à une paire inédite : Jean-Claude Carrière, entre autre scénariste au cinéma pour Buñuel, Forman ou Wajda et Bernar Yslaire, un vrai spécialiste de la BD, consacré par Sambre ou Le ciel au dessus de Bruxelles. L’un et l’autre étaient depuis longtemps séduits par leurs travaux respectifs et avaient en commun une fascination pour la Révolution française : la réalisation partagée de cet album démontre l’indiscutable efficacité de leur association. En choisissant pour fil rouge l’impossible réalisation d’un tableau, les auteurs balayent une courte période de l’Histoire de la Révolution en focalisant sur l’engagement politico-artistique de David et ses rapports avec Robespierre. Découpé en 20 chapitres très courts, parfaitement ciselés et écrits avec fluidité, le récit est un enchainement de scènes qui rendent compte de l’urgence qui agitaient alors chacun : chaque décision est prise vite et sans tergiversation, pour être certain que les choses seront effectivement faites sans possible retour en arrière. Cette sensation est renforcée par le dessin qui ouvre chaque chapitre par un tableau pleine page, puis laisse la place, au fil du récit, à des esquisses simplifiées et pleines de mouvements. La conjugaison de ce subtil découpage, du trait talentueux et de la manière fluide de conter rend la découverte de ce pan historique haletant et passionnant. Seul bémol : la présence de Jules Stern qui, s’il fait le clin d’œil aux derniers ouvrages de Bernar Yslaire et cherche à incarner quelques idéaux, se révèle parfaitement inutile. Un excellent album cependant.