L'histoire :
A Sidi Bouzid, ville pauvre située à 260 km au sud de Tunis, un vendeur à la sauvette, Mohammed Bouazizi, est victime de la répression policière. Sa carriole et ses marchandises sont saisies, sans espoir de pouvoir les récupérer. En signe de protestation désespérée, il s'asperge de Térébenthine face à la préfecture, craque une allumette et s'immole. Il meurt quinze jours plus tard. Ce sacrifice embrase alors tout un pays et révèle l'autoritarisme d'un régime corrompu. Dix jours après la mort du jeune tunisien, Ben Ali fuit en Arabie Saoudite... La vague de contestation gagne ensuite l’Égypte de Moubarak et une grande partie du monde arabe : Libye, Yémen, Syrie, Bahreïn, Maroc, Arabie Saoudite... Le 11 février 2011, Moubarak abandonne la présidence après trois décennies de pouvoir et cède à la vague révolutionnaire ; la place Tahrir en devient le symbole. Ailleurs, le peuple descend aussi dans la rue pour réclamer plus de liberté, d'égalité et de droits : Chadi, Bouazizi, Hamza Kashgari, Mahdi Zeyo, sont des martyrs qui, pour s'être opposés aux puissants, ont payé de leur vie le prix de la révolte...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste de l'Islam contemporain, revient sur la chaude actualité des révolutions arabes pour tenter de faire comprendre au plus grand nombre la portée de ce qui est en train de se jouer. Pas moins qu'un changement politique profond et de longue durée, la transition de dictatures vers la démocratie. Les puissants tombent un à un (Kadhafi, Moubarak, Ben Ali...) et la population manifeste plus que jamais dans les rues, au prix de la vie. Filiu insiste sur les événements fondateurs et leur effet domino, puis le rôle des acteurs, devenus martyrs ou prisonniers, simples civils en quête de liberté. Tel Mahdi Zeyo en Libye, cadre sans ambition et père de famille qui, du jour au lendemain, se sacrifie en jetant sa voiture bourrée d'explosifs contre la caserne Al-Fadil et devient le symbole de la révolte en marche. L'exposé, rendu fluide par son découpage sous forme de courts chapitres focalisant sur un pays, a le grand mérite d'être clair et didactique, malgré la somme et la précision des connaissances. On a toutefois l'impression de lire parfois un catalogue en forme de « zapping des révolutions arabes », certains passages étant peu ou pas fouillés (La perle du Golfe, Le ciel de Tripoli), d'autres peu utiles car moins intéressants ou en marge des événements décrits (Rap à Gaza), tandis que le propos tourne sur lui-même. A l'inverse, certains chapitres interpellent (Hamza le téméraire, La Bastille de Benghazi, Du cachot au palais, Le foot de la rage) par la violence physique ou symbolique qu'ils décrivent, la douleur, les sacrifices et les trajectoires singulières de leurs acteurs. La fin de l'ouvrage conclut sur les théories conspirationnistes, que les dictatures amplifient pour justifier leur répression. Au trait, Cyrille Pomès a dû rencontrer bien des difficultés pour mettre en images les faits. Il s'en sort avec les honneurs dans un style qui, s'il manque de caractère, est suffisamment neutre pour laisser toute sa place au propos. Documentaire intéressant en forme d'hommage aux acteurs oubliés (et encore en train de mourir...), Le Printemps des arabes apporte un éclairage à ceux qui veulent mieux comprendre les révolutions et leurs enjeux politiques, avec toujours ce souci didactique de donner la matière historique nécessaire. Par manque de recul et de place sans doute, le livre n'évoque pas, ou peu, les conséquences de ces vagues révolutionnaires. Certains spécialistes y voient des espoirs déçus (guerre civile en Syrie, retour d'un islam radical au pouvoir, chômage) d'autres un mouvement de fond... Reste en tout cas une synthèse de vulgarisation plutôt bien faite.