L'histoire :
Fidèle à ses habitudes, Adrien parcourt les ruelles du bord du port en hurlant que le diable le poursuit. De quoi, une nouvelle fois, s’attirer les injures des gamins qu’il croise. Mais peu importe, du moment qu’il peut leur répondre qu’il ne va pas tarder à les égorger pour les faire détaler. Ensuite, il s’approche des bateaux et s’assoit à côté d’un gamin et de son chat. L’enfant attend gentiment ses parents qui sont partis naviguer. Alors, Adrien lui parle et prétend que bientôt quelque chose d’extraordinaire va arriver. Quelque chose sorti tout droit de son esprit de travers ? De ce cerveau barbouillé qui lui fait des misères mais qui peut tout aussi bien lui faire effleurer les plus belles histoires ? En attendant, Adrien rejoint Achille son frère. Celui-là fête un drôle d’anniversaire : 20 ans que son bateau, l’Agathe, a disparu avec à son bord les vacanciers à qui il l’avait confié. Adrien, lui, s’entête à penser que le jour est proche où le navire reviendra…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tendre, douce, délicate. Intimement poétique, flirtant un brin avec la philosophie… Cette nouvelle proposition faite par Gabrielle Piquet a, de prime abord, quelques atouts pour toucher les plus sensibles d’entre nous. Et puis il y a aussi ces deux frangins. L’un consumé par un drame qui a vu disparaître son bateau avec une famille de vacanciers. Sans plus aucune nouvelle depuis plus de 20 ans. L’autre a l’esprit à l’envers depuis son retour d’Algérie et agité de phrases énigmatiques, de contorsions anxiogènes, de prémonitions. Enfin, il y a ce gamin à la sagesse prématurée et puis ces quelques fantômes tourbillonnant… Bref, de quoi ajouter de l’énigmatique à la sensibilité. Difficile cependant d’accéder aux intentions de Gabrielle Piquet qui, si elle livre une réflexion multiforme lisible sur le remord, les liens fraternels, le rapport au temps où l’appréhension de la folie, ne trouve pas véritablement le moyen de nous y intéresser. En cause, un choix narratif un poil éthéré, dans lequel les tentatives de dialogues en vers se révèlent le plus souvent peu judicieuses et où l’enchaînement d’ellipses rend inutilement complexe le récit. La partition graphique – désormais si identifiable avec ses lignes fines, sa transparence originale, son absence de cases et de bulles – joue parfaitement le jeu du choix sensible opéré. En tous cas, avec beaucoup d’audace et d’élégance, ce qui, de ce point de vue, reste du coup particulièrement intéressant.