L'histoire :
Bruno, éclusier de profession, vit seul en ville, dans un petit appartement sans âme. Il fait partie des petites gens, serviables, discrets, méfiants, simples, qui ne font surtout pas de vagues mais rendent de grands services. Il est notamment ami avec Maria, une vieille dame qui vit à la campagne et qui vient de perdre son mari, Renato. Pour elle, il va décrocher quelques vieilles photos du « repaire » de campagne de Renato, une vieille péniche échouée au bord d’un fleuve, dans un coin paumé de marécage. Puis il lui file chez elle en vélo – Bruno n’a pas le permis – pour lui rendre. La fille de Maria est là, qui tente de convaincre sa mère de venir s’installer en ville, car elle considère qu’elle ne peut plus vivre aussi seule et isolée. Mais Maria tient à rester dans sa maisonnette, avec son chien. Ils partagent un repas, puis la fille s’en va et Bruno aussi, après s’être un peu attardé. Bruno comprend qu’il risque de perdre Maria, car il sait que la société moderne est truffée de menaces. Il connait la méfiance. Enfant, il a vécu un traumatisme face à un homme tyrannique et son caractère secret et reclus sur lui-même est sans doute lié à cela. Mais bientôt, il sera confronté à un tout autre problème. Car à proximité, un entrepreneur dans le bâtiment est en train d’embaucher au noir un travailleur moldave sans papiers…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers Les nuisibles, Piero Macola fait une chronique sociale à la fois bien dans notre époque et hors du temps. Il reste en effet des coins sauvages et reculés dans les campagnes et c’est ce milieu social qui intéresse ici l’auteur. La peinture d’un monde rural qui ne vit pas au même rythme que les gens de la ville, mais sur lequel se répercutent forcément les affres du monde moderne. Le personnage de Bruno y tient le premier rôle, mais il met du temps à incarner celui de héros. Un petit boulot, un domicile sans intérêt, un simple vélo… Presque « simplet », il est effacé et vit chichement, considérant que la discrétion est le prix de sa tranquillité. Cette personnalité comme il en existe tant est sans doute l’un des propos majeurs de Macola. Par opposition aux nuisibles, se trouve en effet les « effacés », mais tellement « utiles », comme ceux déjà décrit dans son précédent Tirailleur. Mais revenons à ces Nuisibles qui font le titre et la seconde intention de l’auteur. Qui sont-ils ? A travers la mésaventure du moldave Anton, Macola renvoie cet adjectif à la face des xénophobes médiocres. En premier, le nuisible, c’est l’image du rat qu’il faut éradiquer à coups de pierre et cacher aux yeux des touristes. Or si l’étranger – au sens presque camusien du terme – doit se cacher, ce n’est cependant pas lui qui subira ce traitement. Macola dessine cette histoire profonde pleine de non-dits avec une technique tout aussi simple que la destinée de ses personnages, apparemment de simples crayons de couleur. Une plongée sensible, pleine de bon sens, près de chez vous…