L'histoire :
Le 20 septembre 1979, Pierre Goldman est assassiné en pleine rue alors que « sa femme s’apprêtait à mettre au monde leur enfant »… Dans la demi-heure qui suivit, un groupuscule d’extrême-droite inconnu, « Honneur de la police », revendique le meurtre. Goldman semble avoir payé son passé de bandit. Il fut en effet l’auteur de plusieurs braquages en septembre 1969, ciblant une pharmacie, un magasin de haute-couture et les établissements Vog. Le même mois de la même année, Pierre Goldman est accusé d’un braquage sanglant ayant visé la pharmacie Delaunay du boulevard Richard-Lenoir à Paris. Deux pharmaciennes sont tuées et deux autres personnes blessées. Sauf que Goldman nie en bloc toutes les accusations, contrairement aux trois autres braquages. Après une enquête bâclée, l’homme est d’abord reconnu coupable et condamné à perpétuité. Mais après avoir reçu le soutien massif des milieux intellectuels de gauche, il est innocenté, acquitté puis condamné à douze ans de prison pour les trois autres braquages et libéré peu après. 10 ans plus tard, ce fils de résistants, militant d’extrême gauche, tour à tour intellectuel et gangster, sera assassiné. 15 000 personnes assisteront à son enterrement au Père-Lachaise. Parmi eux, toute l’intelligentsia de gauche venue saluer un ami : Jean-Paul Sartre, Alain Krivine, Simone de Beauvoir, Régis Debray… Le parcours d’un étranger parmi les siens hésitant entre violence et érudition, otage et victime d’un héritage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’auteur Emmanuel Moynot s’est intéressé à l’affaire Pierre Goldman qui, en son temps, déchaina les passions et révéla au grand public le destin d’un homme pris pour cible par des activistes d’extrême-droite en lien avec les services de renseignement d’Etat. Il y dévoile la personnalité complexe d’un homme-caméléon, tour à tour gangster, écrivain, militant, guérilléro et fils de résistants. Articulant son récit autour d’une narration factuelle entrecoupée de longs entretiens avec ses amis ou avocats, s’appuyant aussi dans une large mesure sur le livre écrit par Goldman lui-même (Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France), Moynot sonde en profondeur la personnalité et le destin d’un homme à tout le moins complexe, dans le contexte des tensions post-soixante-huitardes. Au-delà, cette BD-enquête met au jour les ambiguïtés d’un assassinat jamais élucidé, pour des raisons politiques ou idéologiques. Si le travail de documentation est ici important, on achève néanmoins la lecture (parfois éreintante) en s’interrogeant sur les réelles intentions du livre et de l’auteur. S’agit-il d’affiner le portrait du personnage, d’éclairer son destin tortueux et atypique, de poser une nouvelle fois la question des responsabilités ou de porter une mémoire politique ? On ne sait pas vraiment car le message est finalement assez brumeux, sinon anecdotique pour le plus grand nombre. Le livre aurait aussi pu faire l’économie de quelques longueurs pour gagner en fluidité narrative. Si l’histoire de la gauche française et les luttes politiques des années 70 vous intéressent, pourquoi pas. Pour les autres, une BD-reportage d’un intérêt limité.