L'histoire :
Nous sommes en 1975, Franco vient de mourir. Un clochard du nom d'Antoine se remémore sa vie passée et sa lente déchéance, qui le conduira depuis un restaurant français de luxe sous l'Espagne franquiste jusqu'à une vie de misère sous les Pont de Paris. Il a trente ans et l'envie de bouffer le monde. Lorsqu'il rencontre Iria, une pétillante espagnole plus âgée que lui. Grâce à elle, il compte ouvrir un restaurant en Galice. Les démarches sont longues pour obtenir les autorisations dans l'Espagne de Franco, mais grâce à l'intervention du frère d'Iria, qui connaît des gens haut placés dans l’administration ibérique, ils arrivent enfin à ouvrir l'établissement « O bistro » qui devient rapidement la coqueluche de la bourgeoisie espagnole. Mais bientôt, le rêve se fissure : Antoine, qui supporte mal les incursions de la police franquiste dans son petit univers tranquille, se réfugie dans l'alcool, au point de sombrer et d'emmener tout le monde dans sa chute, son restaurant, sa femme et ses amis...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Basé sur l'histoire vraie d'un homme croisé dans un bar par le scénariste, Salud ! raconte les dernières années de plomb de l’Espagne franquiste à travers le regard d’un salaud ordinaire. Pari risqué, mais réussi, pour Philippe Thiraud et Nadar. Le personnage d’Antoine est en effet hautement antipathique : violent, alcoolique et arrogant, fermant les yeux sur la répression tant qu’elle ne le concerne pas et ne gêne pas ses affaires. Mais c’est surtout par sa restitution de l'ambiance mortifère des années franquistes que cette BD sonne juste. Le dessin typé 70’s et son découpage très particulier, exécuté avec une formidable maîtrise, par le talentueux dessinateur espagnol Nadar, contribue beaucoup au climat anxiogène que développe ce très bon roman graphique. Dans un pays en apparence si propre et si ordonné, le moindre mot de travers ou la moindre action considérée comme antipatriotique peut vous mettre en danger. Et Antoine va l’apprendre à ses dépens. Finalement, on assiste impuissants à la dégringolade de ce petit homme lâche qui finit pourtant par nous être sympathique, tant il apparaît dépassé par les événements qui l’entourent. Il va peu à peu comprendre (et nous avec) que dans une dictature, il ne suffit pas de se tenir à distance de la politique pour éviter les ennuis. Une piqûre de rappel bienvenue par les temps qui courent…