L'histoire :
1946, prison de Corfou… Le claquement des bottes des gardiens annonce leur petit jeu quotidien. Celui qui consiste à désigner au hasard celui qui va être exécuté. Chronis Missios, dit Salonique, 16 ans, est de ceux là, qui attend chaque matin d’être désigné. Les geôliers poussent même souvent le vice a en nommer un, puis à le faire attendre quelques minutes avant de finalement en choisir un autre. Salonique l’a vécu de trop nombreuses fois, ce tour sadique. Il attend de mourir, c’est tout. Ce soir, il passera la dernière nuit de Mihalis, avec lui et Nikolas, à essayer d’ouvrir une boîte de conserve auquel le condamné a eu droit pour dernier festin. C’était un si bon copain Mihalis… Quelques temps après cette exécution, tous les prisonniers politiques condamnés à mort voient leur peine transformée en prison à perpétuité. Ne plus attendre tous les matins qu’on le flingue, pour Salonique, ça change tout. Pourtant, il ne connait pas encore Vidos qui l’accueille presque immédiatement après cette décision. Vidos est une prison agricole pour mineurs, dans laquelle Salonique et ses camarades prisonniers refuseront d’effectuer le moindre des travaux. En échange, il prendra de nombreux coups. Et cela durera, de prison en prison, de rébellion en refus de signer le moindre renoncement à ses idéaux. Pendant plus de 20 ans…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une condamnation à mort, trois « perpètes », deux fois 20 ans de réclusion, une fois 15 ans… Chronis Missios, jeune révolutionnaire communiste de 16 ans, restera enfermé 21 ans dans les geôles grecques. Humilié, torturé, tutoyant la folie mais jamais le désespoir, il couchera cet étonnant destin 20 ans plus tard pour une incroyable biographie devenue best-seller. Saisis par cette trajectoire, Myrto Reiss et Sylvain Ricard proposent une passionnante adaptation en BD. Didactique et poignant, le récit offre un lot étoffé de pistes de réflexions. Celle d’abord immédiate de ce quotidien meurtri, inhumain, où l’incarcération oppose la volonté destructrice (parce que Missios refusera toujours de renier son engagement politique) à la résistance, la détermination et la dignité. Celle ensuite de l’engagement forcené pour la cause à laquelle on croit. Celle de la force des convictions et de l’idéologie. Celle de l’Histoire de la Grèce aussi et de ce chaos post seconde Guerre Mondiale puis de la dictature des colonels. Un pan historique peut-être bien méconnu du plus grand nombre aujourd’hui. Enfin, celle plus douloureuse, pour le militant si longtemps incarcéré, de la désillusion : un communisme noyé par l’opportunisme de quelques uns et un combat si douloureusement mené pour rien. La réussite de l’adaptation tient dans sa force d’attraction. Jamais larmoyante, jamais ennuyeuse, intelligente et gonflée – malgré tout – d’humanité et d’émotion, l’histoire de Chronis Missios capte de bout en bout. Dialogues et anecdotes sertissent l’ensemble d’un incroyable et glaçant réalisme en réussissant – aussi étonnant que cela puisse paraître – à mêler horreur et nostalgie. Il y a le rythme des événements et cette voix-off puissante (Missios s’adresse à un ami « mort avant… ») aux mots si intelligemment pesés qui absorbent le lecteur totalement. Il y a aussi ce dessin si incroyablement juste qui laisse parfaitement la balance des émotions opérés. Difficile de ne pas se laisser convaincre. Bref, une vraie belle rencontre qui donne envie de plonger immédiatement dans l’autobiographie originale.