L'histoire :
Patrick, la quarantaine, dépressif, tient un magasin de farces et attrapes. Ces derniers temps, il tire chaque jour une gueule de trois pieds de longs pire que la veille, au grand étonnement de ses clients (théoriquement, ça doit être la rigolade tous les jours, une telle boutique !). En fait, sa femme l’a quitté, il se sent « une vraie merde qui en vend des fausses ». Son frangin et son employée Stéphanie tentent bien de le secouer un peu, mais rien n’y fait : il est bien décidé à pérenniser son indécrottable déprime. Il picole du mauvais pinard, bouffe seul à même les boîtes de raviolis, traine sa neurasthénie jusque dans l’épicerie voisine de son pote Hamed ou à une soirée costumée entre potes. Déguisé en l’homme élastique des 4 fantastiques, il y rencontre Clarisse, une acrobate de cirque. Sur le coup, Patrick s’en fiche un peu, trop occupé qu’il est à noyer sa peine dans l’alcool. Il est raccompagné ivre mort jusque chez lui par Stéphanie et un gentil gendarme… qui sympathise drôlement. Le lendemain, Clarisse vient sonner chez lui : elle manque de maquillage pour la représentation du soir. Patrick lui offre et en retour, elle l’invite à la représentation du soir…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce titre à rallonge, Pascal Rabaté nous raconte certes une classique histoire de dépression, mais avec une sacrée bonne humeur et un immense talent narratif. Le cadre est celui d’une petite ville de province (Mazé, du côté d’Angers, d’où est originaire Rabaté), où le propriétaire d’un commerce de farces et attrapes cultive plus sa mélancolie qu’il ne déprime réellement. Astucieusement, Rabaté contourne d’emblée le « mauvais goût » conféré d’ordinaire par les crottes en plastiques et les faux seins sur tablier. Ces éléments sont pourtant essentiels pour jouer du paradoxe entre ce « drôle » de métier et la tristesse du principal protagoniste. Comme pour ses derniers albums (Les petits ruisseaux, La Marie en plastique), Rabaté porte une tendresse infinie pour ses personnages provinciaux, tous très attachants. Dans cette même lignée, son dessin est simple, sans ambages, parfaitement adapté, rehaussé par une colorisation volontairement terne, comme délavée, d’Isabelle Merlet. Surtout, la tonalité demeure calme et joyeuse du début à la fin du récit, malgré le sujet. On se bidonne même à de nombreuses reprises, d’une réplique bien sentie ou d’une situation inattendues. Notamment, le traitement muet de certaines séquences d’anthologie rend leurs impacts ultimes (la tricherie télévisée à Inter-villes, l’accident de voiture avec l’autruche…). C’est beau, c’est tendre, c’est drôle, c’est juste, c’est léger, c’est subtil… c’est du grand Rabaté !