L'histoire :
Le 26 avril 1986, la planète connait la plus grande catastrophe industrielle avec l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Les experts occidentaux parlent de milliers de morts, alors qu’en pleine guerre froide, le Kremlin n’évoque que 2 morts. Dans les jours qui suivent, les russes évacuent la population et mobilisent des milliers de liquidateurs pour tenter de circonscrire le feu au sein du réacteur en fusion et de nettoyer la zone. En novembre 2007, un collectif breton impliqué dans la lutte contre le nucléaire, souhaite installer une maison d’artistes à Tchernobyl pour témoigner sur le quotidien des habitants qui vivent sur des terres désormais anéanties. Malgré une douleur insoutenable qui le handicape pour dessiner, Emmanuel Lepage prépare avec beaucoup d’excitation ce voyage en terre interdite, où rôde la mort. Avril 2008 : après 2 jours de train, il arrive en Ukraine, accompagné d’un autre dessinateur breton. Ils sont chaleureusement accueillis par les habitants qui survivent depuis plus de 20 ans dans un environnement pollué par un mal invisible…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après le magistral Voyage aux îles de la désolation, Emmanuel Lepage réitère l’expérience du documentaire en bande dessinée. A l’origine de ce projet, il devait réaliser un carnet de croquis au profit d’une ONG, « Les enfants de Tchernobyl ». Mais bouleversé par ce voyage, il a voulu réaliser un second ouvrage plus étoffé. En arrivant en Ukraine, à proximité de la zone interdite, Lepage évolue au milieu d’un décor post-apocalyptique fidèle à la représentation que l’on peut s’imaginer de ce site industriel délabré et abandonné, où près d’un million de personnes ont perdu la vie depuis 1986. L’absence de couleur, les lumières crépusculaires sont autant d’éléments qui viennent renforcer un sentiment d’étrangeté. Progressivement, on découvre une nature qui reprend ses droits (en surface) avec une végétation aux couleurs incandescentes. Les techniques de dessin s’alternent (aquarelles, craie grasse ou crayon) et permettent aux paysages de reprendre vie, devenant presque bucoliques. On en oublierait que cette terre est polluée pour des millions d’années et que le danger invisible de la radiation perdure. C’est avec beaucoup de sensibilité que Lepage décrit la vie des ukrainiens, leur solidarité, leur douleur et parfois leur résignation. On se laisse porter par le récit, la tragédie des témoignages de ces survivants en sursis. La crampe de l’écrivain, qu’il connaissait au début de ce voyage, va s’atténuer au fil de son séjour, comme si son exposition radioactive avait eu des vertus thérapeutiques. On découvre aussi avec stupeur que certains habitants vivent du commerce de la ferraille pillée dans cette zone irradiée, en la revendant aux pays de l’ouest… Dans ce carnet de voyage en terre anéantie, Lepage apporte un nouveau regard sur cette tragédie, la région et ses habitants.
