L'histoire :
Lorraine, hiver 1962-1963. Depuis qu’il a failli tuer de Gaulle (voir J’ai pas tué de Gaulle…mais ça a bien failli), Jean-Paul se terre chez sa bonne tante Ninine, histoire de se faire oublier un brin. Mais s’il goûte aisément la compagnie de son ainée, un hiver rugueux en Lorraine, même avec munitions de charcuteries-maison et carburant de bon jaja, ça devient rapidement un peu longuet. Aussi se délecte t-il, le soir, en se chauffant la couenne devant la grosse cuisinière à bois, des souvenirs de sa tantine. Pour plonger dans le passé, elle utilise des vieux cahiers qui constituent le journal de sa vie depuis qu’elle s’est mariée. Très vite, cependant, son neveu remarque qu’elle se fait plutôt discrète sur certaines périodes. En particulier, elle préfère taire l’année 1940. Pourquoi ? Une nuit, elle va jusqu’à bruler le fameux document qui concerne l’année en question. Ninine gifle même son neveu qui tentait de l’en empêcher. Regrettant bientôt son geste, elle s’aventure alors à quelques explications : 1940 est l’année où son mari Georges (aujourd’hui disparu) l’a quittée. Muni d’une valise presque vide, il avait fait route vers Arles avec son vélo pour revenir trois mois plus tard avec un joli magot. Jean-Paul décide alors de refaire le chemin emprunté par son tonton pour faire la lumière sur ce périple mystérieux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Mis savoureusement en scène par Bruno Heitz dans J’ai pas tué de Gaulle… mais ça a bien failli, Jean-Paul se rappelle ici à notre bon souvenir en allant farfouiller dans le passé de son tonton. Délicieuses surprises de filiations, escroqueries, séquestrations, balles perdues, nymphomane, hollandais et religieuses… alimentent alors les circonvolutions de l’enquête menée par notre drôle d’oiseau. Le volatile en question constitue d’ailleurs le tout premier atout du récit. Pas franchement mauvais bougre, il endosse volontiers le costume de l'anti-héros malmené par les judicieux coups du sort et équipé d’un sens moral aux petits oignons. A l’image du dessin tout en rondeurs, l’intrigue se veut faussement simple et naïve. Rythmée par une voix off intelligente et des salves de petits rebondissements, elle réussit en tous cas, sans user d’artifices complexes, à capter notre intérêt de bout en bout. Cette manière de faire rappelle sans conteste Un privé à la cambrousse, dont Jean-Paul semble ici en mesure de pouvoir reprendre le flambeau. Autre atout incontestable : le décor. Campé dans une société d’après-guerre en douce mutation, fleurant encore généreusement ses derniers effluves de ruralité, il teinte subtilement le récit (également de sa rondeur), en parfaite symbiose avec la psychologie du principal protagoniste. Bref, une nouvelle fois réjouissant, au ton agréablement vieillot et créant définitivement l’attache à ce couillon d’anti-héros.