L'histoire :
Un beau jour de septembre 2011, alors qu’il reprend le refrain d’une des chansons de l’album de reggae qu’il écoute, Jérémie Dres remarque que ce vieux crooner rasta de Desmond Dekker se définit comme « israélite ». Titillé par cette découverte, il parcourt sa collection d’albums reggae pour constater l’évidence : nombre de rastas font référence au judaïsme dans leurs chansons. Du coup, lui qui s’était fait à l’idée d’avoir des ancêtres revêtus d’une chapka fourrée, imagine désormais qu’il pourrait bien « cousiner » avec un barbu à dreadlocks amateur de ganja. Une brève recherche sur Internet le conduit à envisager un tour du côté de l’Ethiopie, terre d’Hailé Sélassié et des Falashas. Il se pourrait bien, peut-être, que ces fameux juifs noirs soit le chaînon manquant entre Juifs et rastas. Ainsi, quelques semaines plus tard, il prend l’avion pour Addis-Abeba, où il a rendez-vous avec Giulia Bonacci au Centre Français des Etudes Ethiopiennes.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Belle quête identitaire doublée d’un travail documentaire brillant, Nous n’irons pas à Auschwitz, son précédent ouvrage, avait permis à Jérémie Dres d’interroger ses racines – entre autres – via un voyage poignant en Pologne. Pour ce 2ème récit (parfaitement indépendant du 1er), il pousse le questionnement identitaire un poil plus loin. Cette fois, il dépasse la simple problématique individuelle pour une enquête plus globale faite sous un angle – de prime abord – assez inattendu : quel est le lien entre juifs et rastas ? Dres découvre en effet un beau jour que les chansons reggae qui ont accompagné toute son adolescence font souvent référence au judaïsme et à Israël. Pas d’autre choix, alors, que de poursuivre son cheminement identitaire en provoquant en Ethiopie ou dans le quartier du Bronx quelques rencontres riches d’enseignement. De multiples rencontres qui lui permettront, en particulier, de reconstruire avec sérieux l’histoire des juifs noirs et de soumettre en filigrane la question des peuples déracinés (sans doute un élément important du fondement identitaire juif ?). Rien à redire sur l’album quant à son apport documentaire. En ayant choisi l’angle auto-fictionnel, doublé de celui du reportage, le récit permet de suivre la quête de l’auteur in vivo. Le revers de la médaille est l’apport fourmillant d’informations, la multiplication des interlocuteurs ou encore les plongées historiques qui, au final, perdent un peu trop le lecteur en ne jouant pas la simplicité. Du coup, on a du mal à réellement rentrer dans le récit qu’il faudra vivre comme un reportage ou une leçon d’Histoire, plutôt qu’un récit personnel chargé de faire vibrer la corde émotionnelle. Parfaitement instructif, en tout cas.