L'histoire :
Il y a bien longtemps, un pauvre bûcheron et sa femme, qui vivaient en paix à la lisière d’une épaisse forêt, furent contraints de prendre une terrible décision. La nourriture manque, en effet, cruellement. La femme, contre l’avis du bon bûcheron, prends la décision de conduire son fils, Hansel, et sa fille, Gretel, au plus profond des bois pour les y abandonner. Cependant, Hansel qui a tout compris, met au point un plan malicieux : il emporte avec lui une poignée de petits cailloux blancs qu’il sème tout au long du chemin pour le retrouver facilement le moment venu. Le stratagème fonctionne à merveille et la nuit tombée, alors que leurs parents les ont abandonnés depuis plusieurs heures, ils repèrent à la lueur de la lune, comme s’il s’agissait d’écus tout neuf, les cailloux sur le sentier de leur chaumière. Le père se réjouit de cette bonne fortune qui lui fait retrouver ses deux enfants. Cependant, lorsque la famine revient dans la région quelques temps plus tard, la mère insiste à nouveau pour perdre ses enfants. Hansel et Gretel s’apprêtent à aller, à nouveau, ramasser des cailloux… mais la porte est close et la clef bien au fond de la poche de leur maman. Le lendemain, Hansel, faute de pierres blanches, éparpille des petits morceaux de son quignon de pain. Il n’a pas pensé que les oiseaux, aussi affamés que lui, ne tarderont pas à picorer leurs chances de retrouver leurs parents…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Deux enfants lâchement abandonnés par leur parents ; une sorcière tapie au fond des bois prête à se régaler de leur chair fine et tendre ; une maison incroyablement recouvertes de mets sucrés délicieux ; courage ; trésor et happy end : voici les ingrédients d’un des plus célèbres conte du 19e, jouant de l’art de la douche écossaise comme pas deux. Alternant les moments cruellement dramatiques, pour lesquels aucun ne voudrait prendre la place des 2 enfants, et ceux donnant envie de léchouiller, à leur place, un toit de pain d’épices ou de remplacer Gretel pour pousser la sorcière dans ses fourneaux, les Grimm avaient tout compris : avoir bien peur pour mieux se satisfaire de son quotidien. On pourrait ainsi s’éterniser, tel un pâle plagiaire de Freud, à décortiquer la symbolique du conte en question… mais en adeptes du 9e art, nous avons préféré faire s’attarder notre œil sur le travail d’un de ses talentueux représentants. Lorenzo Mattotti, qui s’est fait largement remarquer et récompenser dans l’univers de la bande dessinée, illustre cet album jeunesse d’un somptueux noir et blanc. Le texte conte avec sobriété puis laisse, à une double page d’épais noirs et blancs, le soin de le mettre en relief avec une incroyable violence. Le travail de Mattotti a un effet immédiat : nous plonger au cœur du drame, sans porte de sortie. Les volumes sont démesurés par les subtils jeux d’ombres, le blanc du papier éclaire avec parcimonie, la forêt se tentacularise : tout est fait pour suggérer le pire, pour nous foutre la trouille à tout prix (voir également dans ce sens, son boulot dans le film d’animation Peurs du noir). A cet égard, l’album risque de ne pas attirer le jeune public, mais il ravira les adultes qui se laisseront facilement engloutir par ce noir et blanc terriblement expressif.