L'histoire :
La Fille se réveille à coté d’un mec dans une chambre qu’elle ne reconnait pas. Elle se lève doucement, enfile son gilet de cuir noir, son short de cuir noir et ses bottes de cuir noir. Elle agite sa chevelure rousse et passe la porte. Le bonhomme – qui a eu le malheur de tomber amoureux – saute aussi vite qu’il le peut dans ses nippes. Mais La Fille est déjà en train d’heurter d’un coup sec du pied droit le kick-starter de sa Triumph. 10 secondes plus tard, elle s’est envolée. Elle file sur le périph’, double, glisse entre les pare-chocs, mord la bande d’arrêt d’urgence, bascule sa moto dans une petite rue. Un bar l’accueille et l’odeur de mâles, de skaï chaud et de clope lui chante sa mélodie. Un Coke avec une paille à peine dégluti et la voilà tirée de ses rêveries par un bruit violent. La porte du bar valse sous les coups de pieds d’une bande de motardes en cuir armées de battes de base-ball et de chaines. L’affrontement est aussi court que violent et sonne la défaite de la gent masculine. Le silence s’abat et la patronne des amazones découvre La Fille cachée derrière le comptoir. Elle lui propose alors de venir faire un tour…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Elle a une longue crinière rouge, La Fille. Et puis des bottes de cuir noir dont la tige monte jusqu’au-dessous du genou. Elle chevauche, une moto anglaise, La Fille. Et glisse, un bon matin, un cow-boy de 20 centimètres derrière la boucle argentée de son gros ceinturon… Hommage assumé à la bande dessinée de Guy Peellaert, Pravda la survireuse, à l’univers des sixties-seventies et gorgé de réminiscences enfantines, cet exercice jubilatoire en tandem conjugue jouissivement sonorités et BD. Une bande-dessinée qu’on écoute (!) au rythme d’un road trip foutraque, sensuel, moite et violent, corsetée par le relief d’une impeccable bande-son. Car il ne faudrait pas se méprendre à effleurer l’album atteint de surdité : aucun intérêt. Ici, vrombissement érotique de moteur, cliquetis soyeux des chromes, voix des personnages (Blain et Carlotti mais aussi Arthur H ou Blutch…) et mélodies acoustico-synthétiques remplacent voix-off ou phylactères avec saveur et précision. Une page de gauche confiée au texte brute ; une page de droite pour le dessin ; quelques doubles pages (textes ou dessin pleine bille) et un CD : une heure de récit conté (une autre réminiscence enfantine, souvenez-vous : le son de la petite cloche pour nous indiquer qu’il fallait tourner la page…). Une drôle d’histoire qui entrelace conte érotique, aventure et rencontres pour une déclinaison épicée d’une histoire d’amour. Celles qui sont généralement bien tordues mais frappées du fameux grand « A ». D’ailleurs, plus que celle de notre motarde envoûtante, il s’agira de suivre l’étonnante épopée d’un petit cow-boy à moustache (vraisemblable cousin éloigné de Gus). Un bottier tutoyant le double-décimètre qui grandira au contact de l’intimité de sa belle rousse. Et puis qui fuira avec elle des amazones jonchées sur des Harley, qui s’imbibera de drogue avec de drôles de citoyens, qui deviendra acteur, libraire… Bref, toute une histoire… qui garde peut-être parfois la sécheresse d’une simple ébauche, sans opérer de véritable bascule, mais qui laisse toute sa place à l’univers sonore et visuel mis à notre portée. D’ailleurs, il ne faudrait pas oublier de saluer à la fois la qualité des mélodies de Barbara Carlotti et l’efficacité émotionnelle du dessin de Christophe Blain. Un impeccable duo !