L'histoire :
Monsieur Pierre accélère le pas : il a entendu la boulangère l’interpeller haut et fort et il sait pourquoi. Effectivement, la bonne femme ne tarde pas à lui réclamer le paiement de l’ardoise qu’il lui doit. Alors, Monsieur Pierre fait le tour de ses poches pour y découvrir, ô miracle, une grosse pièce de 5 francs. Plus de soucis à se faire : notre homme est riche et va pouvoir acquérir grâce à cette trouvaille la maison dont il rêve depuis longtemps. Comble de chance, le notaire a juste ce qu’il lui faut : une petite villa située sur Grand-rue, avec chambre, cuisine, salle de bains… et placard aux balais ! Le tout, pour les 5 francs tout rond. Monsieur Pierre n’hésite que pour la forme et se presse d’emménager. Cependant, un tour de voisinage le fait rapidement déchanter : il semble que la maison soit hantée par une sorcière qui séjourne dans son placard aux balais. Le risque est néanmoins minime, car elle ne vient qu’à la nuit tombée et ne l’embêtera que s’il a le malheur de chanter entièrement : « Sorcière, sorcière. Prends garde à ton derrière ! ». Aucune chance que notre ami ne déclame une ritournelle aussi stupide. Pourtant, pendant les 2 années qui suivent, la chansonnette prend peu à peu une place importante dans son quotidien. Et justement un soir, un peu éméché, il ne peut s’empêcher de commettre l’irréparable : la sorcière sort de son placard aux balais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 1967, Pierre Gripari chatouille l’univers du conte traditionnel en proposant une balade en 13 étapes, dans une rue parisienne où sensationnel et loufoque se heurtent avec malice et jubilation. La brèche s’ouvrira alors, pour des générations d’auteurs, qui sur le modèle des Contes de la rue Broca, n’auront plus peur de bousculer têtes blondes, couettes brunes et parents. En nous offrant une généreuse immersion dans l’un des plus célèbres de ces petits bijoux, Florence Dupré La Tour réussit à conserver l’état d’esprit qui baigne l’œuvre originale : décalé, drôle et surtout d’une gaité à ravir petits et grandis. On s’amuse ainsi sans effort, de personnages excessivo-ridicules ou de trouvailles qui, tels l’arbre à macaronis et la ritournelle amusante, dédramatisent en permanence le propos : n’oublions pas que notre héros doit faire face à une terrible sorcière prête à l’enquiquiner pour l’éternité. Le découpage ultra dynamique, servi par un trait dépouillé qui fait la part belle aux mimiques, permet à Florence Dupré La Tour de capter notre attention de bout en bout. Car en dehors du déballage de loufoqueries, qui sied à merveille à cet univers parallèle, il existe une réelle intrigue dont on ne se détache qu’une fois satisfait de sa chute. En conclusion, on se réjouit de ce graphisme explosif (allumé par l’excellente colorisation) qui, sans chichi, met parfaitement en valeur l’œuvre originale, au point de s’impatienter que d’autres dessinateurs n’emboitent ce premier pas.