L'histoire :
Il se dit son oncle, cet Ysengrin. Ça lui permet sans doute de pouvoir s’enorgueillir de le tutoyer, mais il est Loup, tandis que notre rusé Renart est Goupil depuis des générations. Renart le laisse dire et faire : Ysengrin est bien plus fort que lui ? Tant, d’ailleurs, que même Brun l’ours et Baucent le sanglier, qui fréquentent la cour du Roi, ne se frottent pas à lui. Bref, le personnage l’agace mais il laisse faire... Ce jour, pourtant, lorsque sa tendre épouse lui reproche de ne pas être capable d’accrocher des gros jambons aux poutres de leur maison, tout comme son bon « tonton », le rusé animal voit rouge. Plutôt, il imagine déjà comment retourner l’affaire en ces temps de cruelle disette. Bientôt, le voilà donc qui chemine vers la grande bâtisse d’Ysengrin. Accueilli près du foyer, il observe, la gueule pleine de salive, les 3 beaux spécimens de jambons suspendus à quelques centimètres de ses yeux. Aussitôt, sa langue fait des merveilles en suggérant au loup ce qu’il devrait faire pour éviter qu’un voleur ne vienne lui piquer ces « bacons »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette judicieuse intégrale reprend les 2 volumes que Bruno Heitz a consacré aux célèbres fables animalières moyenâgeuses mettant en scène les perfidies de ce fameux Goupil au ventre creux et à la ruse réjouissante. Pour nous, Heitz use avec bonheur de son humour piquant qui se glisse parfaitement dans la pelisse de l’animal, au rythme d’un jeu de dialogues aussi accessibles que drôles et riches d’enseignements. Les petits historiens en herbe y trouveront une parfaite satire sociale, un anticléricalisme assumé et une belle esquisse d’anti-moralité : Renart ne respecte rien. Les moins cérébraux s’amuseront simplement des mauvais tours joués par l’intelligent rouquin. Et ce, qu’il s’agisse : de cet imbécile de « tonton » Ysengrin (et hop ! une queue prise dans la glace…) ; de ces ballots de poissonniers (miam ! les anguilles…) ; de ces moines aux greniers garnis (resterait-y une poule ou deux ?) voire des envoyés du Roi qui s’essaient à lui mettre le grappin dessus… Car c’est bien la seule concession à la morale : au fil des rebondissements proposés par les huit petits récits, notre Renart creuse dangereusement le trou de son destin. Aura-t-il l’opportunité d’un dernier tour de passe-passe pour éviter que ses méfaits ne lui passent un joli nœud coulant autour du cou ? Vous l’apprendrez en dévorant cette très bonne adaptation tout public, servie par un dessin expressif, au fil d’un enchaînement d’aventures incroyablement rythmées, drôles et grinçantes à souhait.