L'histoire :
6000 $ n’ont pas suffi à faire le bonheur d’Huckleberry Finn. Aussi a-t-il décidé de se faire passer pour mort, afin de se faire oublier définitivement. C’est d’ailleurs caché dans les roseaux qui bordent le Mississipi que le garnement observe ses anciens concitoyens et amis (dont ce brave Tom Sawyer) venus en bateau sur le fleuve lui rendre un dernier hommage. A peine a-t-il quitté son poste d’observation, que son attention est attirée par un filet de fumée : y aurait-il quelqu’un d’autre sur l’île où il s’est caché ? De fait, en s’approchant, il reconnait Jim, l’esclave de Miss Watson. D’abord effrayé (c’est pas tous les jours qu’on discute avec un mort !), Jim lui explique qu’il s’est enfui. L’esclave avait, en effet, surpris sa maitresse en train de négocier sa revente à un marchand qui projetait de l’emmener vers le sud. A la nuit tombée, Jim a gagné l’ile Jackson, pour qu’à son tour, on l’oublie un peu. Quelques poissons grillés plus tard, c’est au tour d’Huck de fournir quelques explications… Pour sûr, la veuve à qui on l’avait confié le nourrissait copieusement. Pour sûr, elle s’occupait bien de lui… Pour sûr, les bondieuseries, les difficultés à tirer sur sa bouffarde quand bon lui semblait, l’agaçaient un peu. Mais pas de quoi mettre les bouts. C’est plutôt le retour dans sa vie d’un père alcoolique et violent, prêt à tout pour récupérer le magot de son gamin qui allait lui faire prendre sa décision…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Plus de 30 ans après sa première parution en Italie, les éditions Gallimard et Lorenzo Mattotti offrent une seconde jeunesse aux Aventures d’Huckleberry Finn, en l’agrémentant d’une sympathique colorisation et d’un nouveau format (à l’italienne… un comble !). Comme l’explique l’auteur lui-même dans une judicieuse postface, cet album constitue véritablement le point de départ de sa carrière dans la bande dessinée. Encore balbutiant, mais plein de promesses, le dessin de Mattotti est ici déjà gourmand de rondeurs, avide à parfaire les trognes en peaufinant leurs expressions, affamé de fluidité. En tous cas, déjà bien en place pour livrer au cordeau l’atmosphère de l’un des plus célèbres romans américains. Encensée pour la force de son style, cette suite de Tom Sawyer joue le vivifiant chaud-froid en mêlant avec intelligence de géniales bouffées libertaires et un réalisme cru. Notre jeune héros, après avoir empoché fortune, trouvé toit et éducation, mettra les bouts en compagnie d’un esclave en fuite, pour une virée sur le Mississipi pleine d’enseignements. Sa naïveté alliée à une lucidité sans faille, un sens de la débrouillardise et une bonté innée, nous attrapent de bout en bout au rythme d’une bordée de rencontres savoureuses. Découpé par Lorenzo Mattotti et Antonio Tettamanti, le récit reprend en l’épurant le fil linéaire de l’œuvre originale. Difficile, en 120 planches (à l’italienne, soit une soixantaine dans un format classique), de livrer une adaptation exhaustive. Du coup, happé par ce voyage, on est frustré d’arriver si rapidement à bon port (on passe peut-être rapidement d’un « événement » à l’autre). En tous cas, l’esprit est là. Fidèle à Twain : noir comme il faut, drôle au bon moment, ouvrant la réflexion avec une certaine sagesse, et attachant en moins de deux à cet étonnant gamin.