L'histoire :
Après les journées de travail au garage, agacée par les jeunes coupés sport qui roulent des mécaniques devant le petit outillage, la vieille Rosalie aime à raconter son passé. Ici, même le plus vieux des balais aux poils dégarnis se souvient d’elle. Certains pensent même que la naissance de ce gentil tacot remonte aux temps immémoriaux du début de l’automobile. Peu importe. Tous, du plus petit des écrous aux plus rutilantes machines aiment à l’écouter lorsqu’il lui prend de s’épancher les soirs de veillée. La voilà donc qui se souvient – pour la énième fois – de cette soirée mémorable où, ayant déposé les filles de ses maîtres au bal de l’opéra, elle avait été prise par l’envie folle d’aller se dégourdir l’arbre à cames au Bois. Et puis, comment alors, elle s’était faite accoster par une jeune torpédo rouge-sang. La voilà aussi qui raconte cette incroyable aventure avec de faux camions militaires : de véritables trafiquants. Enfin, qui se soulage tristement de son engagement dans la bataille lors de la Grande Guerre...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Caricaturiste émérite du début du XXéme siècle, Edmond-François Calvo est principalement connu pour La bête est morte !, une satire animalière de la Seconde Guerre Mondiale qui fait aujourd'hui incontestablement référence. Spécialiste du dessin animalier, il imagine pourtant en 1946 le récit des Aventures de Rosalie, présentées ici chez Gallimard dans une nouvelle édition. Rosalie est une petite voiture bien sympathique, confrontée aux péripéties de la Grande Guerre. Pas de zoomorphisme, donc, mais un « décorum mécanique » impeccablement mis en scène dans lequel outils, pièces de moteurs et jolies carrosseries s’en donnent à cœur joie. Le texte est dense – narré à la manière d’un conte – les phylactères totalement absents et de larges et belles illustrations mangent très élégamment les pages. En scène : la jeunesse de cette vieille Rosalie, ses pérégrinations amoureuses et principalement son expérience du conflit de 14-18 aux cotés des fameux taxis de la Marne. L’ensemble est loin d’avoir la force satyrique de La bête est morte ! et dresse une esquisse édulcorée de cette terrible guerre. Mais il interprète tout de même assez justement la cruelle confrontation de l’insouciante jeunesse face à la violence du conflit. Pour le reste, on imagine que le plaisir de l’illustration a plutôt guidé le récit. Et il est vrai que de ce côté-là, le trait à tendance cartoon explose joliment. Pas de doute qu’après lecture, on regarde ses tournevis différemment. Un ouvrage a garder, en tout cas, comme un précieux double témoin : celui d’une époque dans laquelle la guerre était omniprésente et celui des tous premiers pas de la BD.