L'histoire :
Ellis Cutting n’est pas chercheur d’or. Pourtant, tout comme ceux qui s’aventurent, sur l’autre rive, en quête du précieux métal, il emprunte le même bac conduit par ce drôle de passeur indien. Le bonhomme semble lire l’avenir comme dans un livre et prédit au cowboy une funeste fin de ce côté de la rivière. Mais Cutting n’a pas assez d’argent pour faire la traversée dans l’autre sens. En outre, il a les employés de la célèbre agence Pinkerton à ses trousses. Il doit donc avancer sous la neige et rejoindre le campement derrière la forêt… Non loin de là, un homme semble gagné par la folie en découvrant le joli caillou jaune que dame chance vient de mettre au creux de son tamis. Heureux, il le montre aux autres chercheurs… qui ne tardent pas à l’en délester, en échange de quelques coups, pour aller s’emplir le gosier et se payer quelques filles au saloon du coin. C’est dans ce même établissement que vient d’échouer Ellis Cutting. Sans aucun billet, il ne va pas être facile d’y gagner gîte et couvert. A moins que les prédictions du curieux indien ne lui donnent un coup de pouce, en mettant sur son chemin une jolie montre à gousset…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Vous aimez les histoires de cowboys ? Ça tombe plutôt pas mal, parce qu’il est à parier que Thomas Vieille, qui signe ici son premier album, est tombé dedans tout petit. Du coup, son récit regorge des codes inhérents au genre, mais attention : en se gardant bien de se vautrer dans le cliché. Non, l’histoire est agréablement balisée pour que l’amateur frétille dans l’univers (chercheurs d’or, bagarres, usage frénétique du révolver, saloon, poker, chasseurs de primes, tout plein de méchants…) mais le scénario joue habilement la carte du décalage. Un peu à la manière des westerns sortis de l’imagination des magiciens de la « nouvelle BD » (Gus, Lincoln, Junk, Big Foot…) dans lesquels humour, ironie et atypisme des personnages contrebalancent les habituels ingrédients. Ici, la carte de l’humour, bien que présente, se veut plus discrète. Le ton est volontairement cynique, empreint de tragédie et le rebondissement final, une petite leçon de causticité. D’une fluidité exemplaire, l’histoire de ce fuyard nous laisse découvrir un panel de protagonistes aux petits oignons. Outre le personnage central, tous, à travers la connexion de leurs destins, teintent l’aventure savoureusement : incompréhensible et malchanceux chercheur d’or, montreuse de cinématographe, vieil indien lisant l’avenir, juge véreux… entourent généreusement ce cowboy désinvolte qui semble déjà avoir lu la conclusion prévue par le scénario. La partie graphique, faussement naïve, cadrée sans chichi et colorisée avec beaucoup de tenue, renforce la lisibilité de l’ensemble, tout en confirmant le ton décalé. Un one-shot ficelé avec brio, au point de regretter qu’il ne se décline pas…