L'histoire :
D’abord, ils poussent les feuilles que l’automne laisse s’éparpiller à volonté. Ensuite, ils les laissent former un gros tas pour pouvoir bientôt mieux se rouler dedans jusqu’à l’asphyxie. Et si d’autres gamins se contentent de recommencer à l’infini ce joyeux moment, Piero et son frère choisissent ensuite chacun les deux plus belles feuilles pour les dessiner. Le dessin, c’est leur passion. Ils n’en n’ont d’ailleurs même pas conscience. Piero, victime d’une coqueluche récalcitrante, doit subir de nombreux soins. Du coup, les deux gamins ne sont pas scolarisés. Ils fréquentent peu les autres enfants de leur âge et sont donc convaincus que tout le monde dessine comme eux. Tout est prétexte pour gribouiller et user du papier : un extra-terrestre carburant au rêve et utilisant son pistolet antémémoire à qui mieux mieux ; chevaux, châteaux forts nés dans leur imaginaire se retrouvent à un moment ou un autre sous leurs crayons…Viendra bientôt l’école et les premières filles qu’on épate en jouant de son talent…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce petit Piero, qui tient aussi facilement qu’un oiseau docile dans la main, laisse ses petites miettes s’immiscer au plus profond de nous. D’abord parce qu’il y est beaucoup question de l’enfance. Une enfance un peu particulière, où le don de dessiner canalise l’imaginaire, le magnifie plus que la norme, en le rendant si délicieusement vivant. Une enfance surtout si palpable, qu’on s’y retrouve tous un peu. Ensuite, il y a ce lien fraternel, presque gémellaire, si bien décrit qu’on perçoit, à chaque page tournée, la déclaration d’amour en filigrane faite par l’auteur à son frangin… Le livre se dévore, agréablement servi par un dessin juste. Un dessin qui, sous l’apparence de croquis rapides, lie parfaitement voix off et phylactère et joue sans fioriture une gamme exceptionnelle d’émotions. Centré à la fois sur la relation entre les deux frères et les liens de leurs destinées, mais aussi sur la perception du dessin (d’abord comme excitant de l’imaginaire à une époque sans télé, puis comme un art), ce petit album au ton autobiographique est aussi l’occasion de mettre en parallèle des vies presque ordinaires. Jeux, relations familiales, écoles, filles et premiers amours, accident, choix professionnelles… font les couplets de cette ballade où deux frères grandissent et dont le dessin sert de refrain. Une belle musique en tous cas. Un moment partagé sensible et touchant.