L'histoire :
Le Capitaine s’appelle Peter Maus, son lieutenant Petit-Pierre. Avec une centaine de canailles, il écume les mers du globe à bord du Hollandais Volant. Ce vaisseau n’est cependant pas un navire ordinaire. Il ne vogue, en effet, qu’une fois la nuit épaisse tombée et regagne les fonds sous-marins dés que le premier rayon du soleil touche les flots. Il faut dire que Maus et ses comparses ne sont pas des boucaniers comme les autres : pirates peut-être, mais depuis longtemps trépassés… Et c’est bien long l’éternité, lorsqu’on est damné et privé du repos éternel, en attendant de trouver le moyen de racheter son âme. A moins peut-être de trouver un récif libérateur ou, mieux, de se faire happer par un grand Léviathan. Or, c’est toujours la même chose : les brisants les boudent, les monstres marins se dérobent et ils sont « catastrophiquement » sauvés… Le Capitaine fulmine de jour en jour et se venge en faisant payer cher le prix de cette malédiction aux vivants : ses pirates tuent et pillent la moindre des embarcations qui croise leur bateau. Une nuit, c’est un butin plus inhabituel qu’ils remontent à bord : un bébé rose et potelet qui hurle de faim. Bien décidés à le tuer pour qu’un petit mort apporte un peu de gaité dans la troupe, Peter Maus et Petit-Pierre décident finalement de l’élever jusqu’à ses 10 ans : un âge plus raisonnable pour en faire un fantôme distrayant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après la récente et excellente adaptation d’A bord de l’Etoile Matutine par Riff Reb’s, c’est David B. qui prend le relais en s’attaquant, à son tour, à une œuvre de Pierre Mac Orlan. Extrait d’un recueil de nouvelles (Chronique des jours désespérés), ce Roi Rose trouve enfin, après 20 ans d’attente et d’envie, le chemin de la planche à dessin d’un des fondateurs de l’Association. Faisant incontestablement partie des figures de proues de la BD dite moderne, David B. propose ici une adaptation à la mesure de son style et de son talent. Doué pour raconter et symboliquement fort, son graphisme incomparable fait à nouveau un sacré boulot : flamboyant (voire parfois hallucinogène), habilement coloré et contrasté. Impeccablement cadré, le trait tangue entre violence et tendresse, en un jeu compassionnel pour ces sanguinaires boucaniers et leur petit roi. Mort, éducation, enfance, rédemption s’entremêlent alors pour une histoire courte de pirates, qui aborde en filigrane la difficulté à quitter le monde de l’enfance ou celle d’accepter la mort. Parfaitement rythmée et graphiquement jubilatoire, on se serait sans doute réjouis que cette adaptation soit un peu plus longue, pour permettre à son auteur de définitivement nous faire plonger avec lui et son Hollandais Volant dans les abysses de ses fantasmagories.