L'histoire :
Dans sa piaule londonienne, le dramaturge William Shakespeare est en proie aux cauchemars. Il se lève l’esprit embrumé et regarde par la lucarne. Il aperçoit un homme encapuchonné dans une cape et coiffé d’un masque de peste. Depuis la rue, cet oiseau de malheur le désigne du doigt. Shakespeare se précipite et se lance à sa poursuite à travers les rues de la capitale. Il le rattrape et l’immobilise sur un quai de la Tamise. L’homme semble aux abois. Il se présente comme un simple médecin de peste de Sa Majesté. Shakespeare doute d’avoir attrapé le bon suspect : un autre encapuchonné du même acabit se rit de lui depuis une hauteur. Il retire son masque : c’est Shakespeare lui-même ! Le Shakespeare poursuivant s’effondre, ne sachant plus qui il est. Le lendemain, au théâtre du Globe où il essaie des costumes, un envoyé du roi demande à le rencontrer. Shakespeare fait ainsi la connaissance de Meredith Philip Stonewall, espion de James 1er himself. Ce dernier l’informe qu’il enquête sur un de ses acteurs aujourd’hui disparu, Michael Morrisaw, qui serait un félon envers le Royaume. Stonewall demande à Shakespeare de l’aider à enquêter…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une théorie persistante chez les historiens et les littéraires propose, dès le XIXème siècle, que William Shakespeare n’a pas existé – ou du moins qu'il ne serait pas l'auteur de son œuvre. Son nom, ses 39 pièces et ses nombreux poèmes seraient dès lors le fruit d’un pseudonyme regroupant divers poètes et dramaturges de son époque, parmi lesquels Francis Bacon ou Christopher Marlowe. Le scénariste Philippe Pelaez s’engouffre dans cette piquante potentialité pour mettre en scène le célèbre poète britannique en proie à la folie et au doute existentiel : tel un dandy drogué ou psychotique, errant dans une époque politiquement trouble, religieusement contestée et en prime corrodée par la peste noire, il a oublié qui il est et si il est. Il s’imagine un double néfaste, qui le hante et le persécute… Et néanmoins, à la demande d’un espion du Roi, il enquête plus ou moins sur la disparition d’un de ses acteurs, accusé d’espionnage, un dénommé Michael Morrisaw. Mais dans ce moment de trouble intime et général, les repères confinent à l’ésotérisme, terrain de jeu fumeux idéal pour pouvoir raconter à peu près n’importe quoi. Enquête policière + espionnage + ésotérisme + époque trouble : l’équation parfaite de la non-intrigue, qui fait tourner le lecteur en bourrique sur du vent. Mais un vent doux : cet embrouillaminis d’une trilogie en devenir s’accompagne d’un verbe élégant (il fallait se mettre à la hauteur littéraire !) et d’un dessin réaliste juste, soigné, détaillé sur l’époque classique élégante, complété de l’habituel lavis monochrome gris d’Eric Liberge. Etre ou ne pas être William Shakespeare, telle est ou n’est pas la question.