L'histoire :
Milo Manara ne livre que très peu de dates mais reprend le fil de sa vie professionnelle par courts épisodes, très vivants, bienveillants, mais jamais mièvres, d’un parcours riche. A ses débuts, il était promis à un autre métier. Puis ce fut l’illumination face à la BD et ses progrès rapides, bien naturels, lorsqu’on est fait pour le dessin et rien d’autre. D’abord des travaux de tâcheron, au service des fumetti, (BD populaires italiennes en petit format, noir en blanc) à la Diabolik comme Genius. Et il décolle au tournant des années 1960-1970. Il parle toujours de chance, ayant rencontré Pratt et d’autres italiens puis des français, les éditeurs Bonelli, Larousse, puis Casterman (A SUIVRE) et les albums à succès. Mais à ce niveau, la chance vient d’abord du talent et du travail ! Il détaille sa fructueuse collaboration avec Pratt, qui sera son scénariste pour Un été indien et El Gaucho, une rencontre magique, exigeante et formatrice. Mais pour le grand public, Manara est l’auteur du Déclic, initialement pour la revue érotique italienne Playmen. La chance, encore, ne lui a pas provoqué de colère féministe, simplement parce que Manara ne traite pas la femme comme un objet, mais il la sublime à travers un vent de liberté et de choix totalement volontaires. Il s’en explique, par sa famille, par sa démarche personnelle : lumineux et rassurant. Il raconte ses refus à des pointures comme Forrest, Moebius, entre autres anecdotes, et une multitude de travaux. Suivront la série Borgia avec l’unique Jodorowsky et récemment Le Caravage, indispensable.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’art de Manara touche au premier regard. Mais pourquoi ? D’abord parce que c’est très agréable à l’œil, simplement. Ensuite, cela vient de loin : moult générations d’artistes avant lui, notamment italiens, semblent le porter. En fond de son trait, il y a ce classicisme qui a été foulé aux pieds par des pédagogues-démagogues modernes. C’est pourtant la base obligée pour construire quelque chose de solide, même dans l’outrance ou la rupture. Cela, il nous le dit qu’en pointillé, en sous-texte, faisant la part belle aux innombrables évènements de sa vie et aux dessins originaux, projets non publiés, et autres raretés. Ce beau livre-cadeau donne envie de se (re)plonger dans son univers riche chaleureux, où il n’y a pas que des femmes dénudées, mais aussi de l’aventure, de l’historique, du western. Manara : le trait intelligent et élégant d’un géant qui est resté modeste.