L'histoire :
1973. Cela fait trois ans que Salvadore Allende est à la tête du Chili, mais le pays est étouffé par la misère. Les États-Unis mettent en place les mesures de rétorsion économiques pour renverser le pouvoir communiste. Là-bas, c'est désormais la chasse aux marxistes. Clara, Anastasia, Rosa et Mina, partisans socialistes formées à servir le régime, sentent à quel point le climat devient malsain. Une mystérieuse journaliste américaine approche Mina et lui confie qu'un Coup d’État est en marche. Pour Mina et ses amies, l'exil s'impose. Mais est-il encore temps de fuir ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On ne choisit pas par hasard d'aborder l'histoire d'un pays. Encore moins pour écrire une chronique sociale qui immerge le lecteur au moment où éclate une révolution. Ami Vaillancourt ouvre une fenêtre sur le coup d'Etat au Chili, avec Allende et Pinochet en filigranes, en focalisant sur le parcours de quatre femmes. Clara, une véritable apparatchik, Anastasia, Rosa et Mina vont devoir appliquer (ou pas) la devise du Parti : « La patrie ou la mort, nous vaincrons ! ». Une d'entre-elle va être mise au parfum par une journaliste américaine. L'annonce de ce putsch imminent sonne alors comme un glas. Durant le premier tiers de l'album, les éléments s'imbriquent au fil d'une narration qui donne le sentiment d'éclater, comme le pays. Flashbacks, parcours de chaque camarade socialiste, retour au présent, personnages secondaires à foison et surtout abondance de dialogues : autant d'éléments qui impriment un faux rythme et rendent la lecture dense. L'inexorable se dessine et ce n'est qu'au dernier tiers de ce premier volume qu'éclate l'évènement dramatique, introduisant brutalement une tension dans cette histoire jusque là très portée sur la psychologie des personnages. On en finit la lecture ébranlé, comme si on avait été témoin des pires agissements que les guerres charrient... L'ensemble est remarquablement servi par Bruno Rouyère, au style sobre et élégant, qui délivre une copie impeccable. Sa touche rétro et la précision de son trait sont idéalement adaptées à ce récit. Un peu d'attente, et nous prenons rendez-vous avec sa suite, camarades bédiens...