L'histoire :
Paris, la nuit. Zayn remonte une rue silencieuse pour sonner à l’interphone d’un immeuble. Une jeune femme lui ouvre. Elle s'appelle Alice. Il entre, troublé. C’est elle – celle qu’il n’a pas réussi à oublier. Dans le calme un peu flou d’un appartement où résonne encore une série en fond, il lui dit qu’il n’a cessé de penser à elle. Il veut comprendre. Comprendre pourquoi elle l’a séduit pour ensuite disparaître. Comprendre ce qu’il représente pour elle. Ce qu’ils ont vécu, même brièvement, a laissé une trace indélébile. Mais elle, presque lasse, garde le silence, jusqu’à lui lâcher l’impensable : elle n’est pas comme les autres. Elle est une « amourante », une créature immortelle, dont la jeunesse éternelle dépend de l’amour qu’on lui porte. Sans sentiments réels projetés sur elle, elle se met à vieillir. Et quand l’amour s’éteint, c’est le temps qui reprend ses droits. Zayn croit à une histoire à dormir debout, une légende urbaine. Jusqu'à l'évidence. Jusqu’à ce qu’elle lui montre une peinture ancienne signée de Basileo Guardiano, un élève du Titien, à Venise, où elle apparaît inchangée. Jusqu'à ce qu'il lui tire une balle en plein cœur et qu'elle se relève comme si de rien n'était... Désormais, le doute s’installe dans l'esprit de Zayn.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Et si l’éternité et l'amour allaient de pair, main dans la main, pour un cœur à cœur absolu ? C’est la cruelle condition de l’héroïne de L’Amourante, premier roman graphique de Pierre Alexandrine. Née au cœur de la guerre de Cent Ans, l'héroïne découvre un pouvoir aussi fascinant que tragique : tant qu’un regard amoureux se pose sincèrement sur elle, elle ne vieillit pas. Mais dès que cet amour s’éteint, le temps la rattrape. À travers ce destin à la croisée de Dorian Gray, de Dracula, de Benjamin Button et des contes de Grimm, Pierre Alexandrine livre une variation puissante et féministe sur les mythes de l’amour éternel, des passions destructrices et du corps comme enjeu symbolique. Le récit traverse les siècles, interroge les figures féminines diabolisées – sorcières, succubes, « chiennes impudiques » – et tisse une réflexion fine sur les injonctions à plaire. Graphiquement, le style évoque Émile Bravo ou Kerascoët, avec un trait clair, maîtrisé, faussement simple. Pierre Alexandrine est un autodidacte et s'est nourri de belles références (Mœbius ou Chaland) pour s'accomplir comme dessinateur. Une esthétique qui contraste avec la noirceur du propos et renforce l’étrangeté du récit. Porté par un sens du rythme et une vraie élégance narrative, L’Amourante (très beau mot-valise) surprend par sa maturité. Une œuvre marquante, singulière, dont on a envie de percer chaque secret.