L'histoire :
Fin août 2014, Cécile trouve un message vidéo de son fils Benoît, âgé de 18 ans, sur son ordinateur. Il lui explique qu’il en a eu marre du fatras de mensonges et d’hypocrisies que lui offre la société française, que Allah l’a sauvé, que la Oummah est désormais sa famille, qu’il est parti faire le djihad en Syrie, qu’il est désormais heureux et qu’il ne reviendra pas. Cécile découvre cela au côté de sa copine Nadia. Elle a les bras qui lui en tombent. Elle ne veut pas appeler les flics, elle espère pouvoir lui parler et le convaincre de revenir, via le coup de fil que Benoît a promis de lui passer. En premier lieu, elle va montrer la vidéo au père de Benoît, Sofiane, entraineur de boxe, duquel elle est séparée. Lui non plus n’était pas au courant de cette décision, mais il semble en savoir plus long sur la conversion de son fils à l’Islam qu’il ne veut bien le dire. Cécile est désemparée. Chez elle, elle erre dans la chambre vide de son fils, elle regarde les photos au mur et ouvre son ordinateur portable. Ce dernier bugue au démarrage, alors elle l’apporte dans une boutique informatique pour une restauration du système. Dans les jours qui suivent, elle multiplie les contacts pour comprendre. Notamment en questionnant l’ex-petite amie de Benoît. Pourquoi l’a-t-elle quitté, au juste ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans quel état seriez-vous si votre enfant vous annonçait soudainement par mail qu’il est parti faire le djihad en Syrie ? Vous n’avez rien vu venir, son cerveau a été reformaté, vous n’avez plus aucune prise sur lui… Vous ne comprenez pas, vous êtes désarmé(e), impuissant(e), anéanti(e)… le poids de la culpabilité en prime. C’est cette immersion âcre et terrible dans la vie d’une mère de famille, que Laurent Galandon et Dominique Mermoux proposent à travers L’appel. Ce roman graphique se centre sur les tourments de Cécile, une maman « normale », qui subit ce drame tombé de nulle part. Evitant tous les écueils du pathos, de la moralisation, ou des circonstances atténuantes foireuses, les auteurs mettent en scène et expliquent lentement et précisément un processus d’engagement cohérent. Des relations amicales bancales, une injustice sur un proche, un écœurement de la société, une connexion évitable, un discours de recrutement habile… Tout un tas de petits évènements qui, assemblés bout à bout dans un certain ordre, découlent sur un choix surréaliste : offrir sa vie pour une cause religieuse, sous prétexte de ras-le-bol sociétal. Le dessin semi-réaliste en lavis de gris est sobre mais juste, en parfaite harmonie avec le ton nécessaire. En tout cas ad hoc pour cerner avec réalisme un problème de société qui n’existait pas il y a encore 10 ans. Le récit est certes une fiction, dans le sens où l’histoire et les personnages ont été entièrement inventés par Galandon. Mais des tragédies similaires sont arrivées des dizaines de fois à des parents français, issus de tous milieux sociaux ! Par sa narration juste et habile, qui impose une identification forte, ce roman graphique bouleversera tous les parents de grands enfants et les incitera peut-être à la vigilance ou du moins à la réflexion.