L'histoire :
Nous sommes entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. Au collège, un adolescent est surnommé « le boutonneux ». Depuis l'été dernier, il a vécu une transformation : ses jambes se sont allongées, sa voix s'est transformée et son visage est recouvert d'énormes boutons moches. Il est victime de la violence de son beau-père, il a une part héroïque en lui, mais au collège, il se fait harceler. Il est moqué et différent. Dadou, son ami d'enfance, lui a tourné le dos. Or il fait maintenant partie des gens populaires, qui ont les derniers pantalons à la mode. Le boutonneux est passionné par les jeux vidéo et il sait ce qu'il veut faire plus tard : tenir une boutique de jeux vidéo. Cependant, à ce rythme-là, il n'est pas prêt d'y arriver. Sa mère se lamente : elle lui donne tout ce qu'il veut, or son bulletin de notes est catastrophique. Le lendemain, il est convoqué chez Monsieur Marano, le conseiller d'orientation. Il n'est pas seul au rendez-vous. Dadou est là lui-aussi, et Mims, une jeune fille gothique. S'ils sont convoqués, c'est parce que Monsieur Marano a quelque chose à leur annoncer. Ils font partie des élèves les plus nuls du collège. Leurs notes sont au plus bas, ils ont décidé de tout abandonner, et ça, ça ne va pas du tout. Mims prend la parole : c'est le système qui se fout d'eux ! Plutôt que de leur apprendre à s'épanouir, ils enseignent la compétition entre les élèves, ils apprennent à être de bons petits esclaves. Même si la tirade est belle, Monsieur Marano n'en a que faire. Il leur présente le nouveau programme de motivation. Ils vont devoir valider leur année. Sinon leurs parents auront l'obligation de les tuer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jim Bishop signe avec l'Enfantôme le dernier volume de sa trilogie, comprenant Lettres perdues et Mon Ami Pierrot, dans laquelle il explore le passage de l'enfance à l'âge adulte. Cet album est pourtant nettement différent des deux précédents. L'auteur, qui s'est déjà essayé aux récits de ce type dans la revue Métal hurlant notamment, propose cette fois une histoire horrifique. Nous suivons un adolescent, harcelé au collège, qui a de mauvaises notes. Il est convoqué avec une autre fille de sa classe, Mims, avec qui il va sympathiser. Leur conseiller d'orientation leur annonce la couleur : ils sont mauvais, et s'ils ne réussissent pas leur année scolaire, leurs parents les tueront. Les adolescents ne savent pas sur quel pied danser : est-ce une réelle menace ? Ou est-ce seulement pour leur faire peur et réveiller une quelconque motivation ? Le doute s'installe, d'autant que le comportement de leurs parents devient de plus en plus suspect... L'ambiance est pesante, angoissante. Jim Bishop n'hésite pas à créer de l'étrange et du bizarre, à introduire des planches effrayantes, à distordre la réalité et les proportions. Il montre la pression du système sur des adolescents encore neufs, qui sont bridés, qu'on ne laisse pas s'accomplir et que l'on catégorise trop vite. Il montre le doute, l'anxiété et l'autoflagellation qui ne cessent de tourner dans la tête des collégiens. On reconnaît le trait de l'auteur, même s'il l'adapte au genre horrifique, et il glisse de nombreux clins d'œil rattachés à la pop culture et à cette période. Cet album est dérangeant, il n'est pas à glisser non plus entre toutes les mains (âmes sensibles s'abstenir), mais permet de réfléchir au conformisme qui ne laisse pas toujours la place de se réaliser individuellement.