L'histoire :
Nous sommes en avril 1871. La capitale vit des heures parmi les plus marquantes de son histoire. La défaite contre la Prusse est actée, la Commune de Paris a été proclamée un mois plus tôt. Les loges maçonniques se réunissent dans un contexte très particulier, leurs membres sont partagés entre loyauté envers le gouvernement de leur pays, et adhésion aux valeurs de la république proclamée. Au cœur d'un petit appartement parisien, Sylvain s'apprête à aller retrouver ses frères maçons pour un atelier de discussion. Albertine a peur pour lui, les rues de la ville sont soumises aux coups de canon des troupes gouvernementales. Alors que la réunion prend fin en ayant absolument respecté la nécessité de ne pas aborder les questions politiques ou religieuses, les hommes démarrent entre eux une toute autre conversation : quelle doit être leur attitude face au soulèvement parisien, dont les valeurs qu'il défend semblent si proches à beaucoup d'entre eux. Certains d'entre eux vont faire un choix radical. Quelques années plus tard, c'est sur une presqu'île de Nouvelle Calédonie qu'Albertine se rappellera ces souvenirs. De nombreux révolutionnaires y ont été exilés après la répression sanglante du mouvement révolutionnaire.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec un récit en deux époques proches, le scénariste Pierre Boisserie met en scène plusieurs enjeux de la franc-maçonnerie du XIXème siècle. Le conflit intime entre les idéaux nobles de la confrérie et la réalité sociale dont ses membres sont les témoins, la complexité des choix à faire. Mais aussi le rôle des femmes dans une organisation très masculine. Plusieurs personnalités féminines fortes sont présentes dans ce récit : Albertine évidemment, mais aussi Louise Michel. Cette dernière est citée aux côtés de plusieurs personnages historiques, le plus souvent dans le simple but de raccorder le moment raconté par les auteurs à l'Histoire telle qu'on la connait. C'est surtout l'évolution de la franc-maçonnerie qui est décrite ici, l'importance que ses membres ont pu avoir dans les grands moments de l'Histoire, et parfois les tiraillements importants pour rester fidèles à leur engagement moral et de citoyens. Les aller-retours entre la Nouvelle-Calédonie et Paris donnent incontestablement un supplément de rythme au récit, même si parfois un flashback d'une seule journée exige un peu de concentration, ne vous laissez pas distraire ! L'ensemble est bien construit, le trait fin de Vincent Wagner et les couleurs d'Angélique Césano se complètent bien dans les scènes nocturnes ou sous la pluie des rues parisiennes. L'histoire des loges et des frères se poursuit, complétée en fin d'album par une postface qui détaille les libertés prises dans l'album avec les faits certains. C'est romancé mais instructif, et évidemment très bien documenté sous la supervision experte de Didier Convard.