L'histoire :
Un homme mystérieux se restaure devant la sépulture de Marcus Cornelius Florens. Avec un balai, il nettoie la pierre tombale, envahie par les feuilles. S'adressant au défunt, il relate les derniers faits du moment : la guerre contre les Parthes, l'incendie du bureau de poste qui serait l'œuvre des chrétiens, les deux mois de sécheresse annoncés par les auspices. Rome, 15 février 919, Ab Urbe Condita. La Fête des Lupercales bat son plein : un chien et une chèvre viennent d'être sacrifiés et des adorateurs s'aspergent du sang de ces animaux. Ils déambulent dans les rues de la Cité avec un fouet à la main, cherchant à purifier et à favoriser les femmes présentes. Edilus, médecin le plus respecté de la communauté grecque de Rome, accompagné de Hipatia son épouse, assiste à ce spectacle sanguinolent. Ils arpentent la voie appienne afin de rendre visite à Marcus Cornelius Florens. Edilus vient chercher conseil auprès de Marcus Cornelius Florens, orateur et avocat hors pair, car il souhaite déshériter son fils Alexandros. Deux jours plus tard, on annonce à Marcus Cornelius Florens qu'on vient de retrouver Edilus mort, le crâne défoncé. Tout porte à croire qu'Alexandros serait l'auteur de ce crime infâme. Selon les lois romaines en vigueur, il encourt la peine capitale pour parricide. Intéressé par cette affaire, Maître Florens sort de sa retraite pour défendre le jeune homme.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ah l'Antiquité Romaine ! Cette période-clé de l'histoire de l'humanité est plébiscitée par le médium bande dessinée, comme théâtre de ses récits. On pense à Astérix, le petit gaulois et Alix, le gallo-romain, pour les grands classiques ; mais aussi Murena ou les Aigles de Rome dans des genres ultra réalistes. Désormais, on pourra aussi placer l'Orateur, polar judiciaire sous la Rome antique de Marc Aurèle. Cet album signé par un duo de scénaristes, Luca Blengino et David Goy, mérite qu'on s'y attarde. C'est en premier lieu une enquête que n'auraient pas reniée Agatha Christie et Ric Hochet, bien campée avec une bonne dose d'impertinence et d'humour. C'est ensuite un procès où l'éloquence du protagoniste, Marcus Cornelius Florens, avocat de son état, est mis en exergue. Tel un gladiateur du Colisée, il entre dans l'arène pour vaincre son adversaire, armé de répliques en tout genre. Il déstabilise son opposant avec sa botte secrète. L'art oratoire occupait à Rome une place de choix. C'est quelque part, l'ancêtre du slam ! Après, c'est le décorum de l'histoire qui suscite notre intérêt : les premiers pas de la chrétienté font alors une entrée discrète dans la Rome Antique. Mais aussi l'intégration des étrangers, ici les grecs, jadis dominants sur le Bassin méditerranéen, qui se fondent dans le décor. Les lois archaïques découlaient sur des châtiments assez... torturés dirons-nous (le parricide était le crime suprême et qui dit crime suprême, dit châtiment suprême !). L'Orateur est donc bien plus qu'une énième enquête. Cet album mérite toute votre attention par le scénario, mais aussi par le dessin réaliste d'Antonio Palma qui fait la part belle aux visages expressifs (à la Luigi Critone !) éveillant l'intérêt de suivre le récit. Tout s'enchaîne parfaitement avec notamment des personnages bien campés (Ah ! la verve de Marcus Cornelius Florens !) qui use avec finesse du pouvoir des mots... hourra pour l'Orateur !
