L'histoire :
1694. Charles Perrault vient se recueillir sur la tombe de François, son frère jumeau, mort en bas-âge à 6 mois. Il vient lui confier un terrible secret : comment lui est venu l’idée d’écrire l’un de ses plus fameux contes, Barbe-Bleue. Une histoire qui a commencé dans la maison de leur enfance, il y a plus de 300 ans et qui s’est achevée dans un cimetière… Depuis leur fenêtre, deux jumeaux, Marc et Jean, assistent à un horrible spectacle dans les rue de Paris : la peste noire décime la population. Dans leur maison, leur famille est contaminée également. Marc décide d’aller chercher de l’aide auprès de son oncle Pierre, pendant que Jean reste terré dans la maison. Sur le chemin, il est percuté par un cheval qui lui marche dessus. Il se retrouve défiguré. Quelques années plus tard, les deux frères sont devenus sculpteurs sur bois. Ensemble, ils partagent tout, même les conquêtes féminines que Jean ramène ça et là…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il était une fois… Les contes commencent en général de cette façon. Car derrière chacune de ces histoires lues par nos parents, il y a un brin d’authenticité, bien loin d’une quelconque tradition orale (c’était le thème du film de Terry Gilliam consacré aux frères Grimm). En prenant certaines libertés avec la réalité, Philippe Bonifay réinvente également l’origine des contes. En marge d'un Blanche-neige et d'un Pinocchio mi-figue, mi-raisin, Bonifay nous régale avec un Barbe-Bleue haut en couleurs et en noirceur. Dans les faits, Charles Perrault avait un frère jumeau, décédé en bas-âge, à 6 mois (c’est vrai !). Il tisse une histoire autour de cette blessure insoignable, à travers l’existence de deux jumeaux ayant vécu dans leur maison d’enfance, plusieurs siècles auparavant. Ce parallèle lui sert à créer une forme de malédiction à travers les siècles. Chez les jumeaux Marc et Jean, l’un est dans l’ombre, il est la partie obscure du binôme, il est le rejeton frappé par la laideur suite à un accident. L’autre est la marionnette, une bonne âme qui a du succès avec les femmes. Bonifay attribue un rôle à chacun, l’un sera le séducteur, l’autre le destructeur, un véritable serial-killer, qui détruit toutes ses conquêtes, par jalousie. Cette relecture de l’origine de Barbe-Bleue est ciselée à merveille avec des dialogues bien écrits. Ici, la narration off est plus fluide que sur Blanche-Neige et la trame est moins nébuleuse que sur Pinocchio. Pour la mise en images de ce conte cruel, Bonifay s’est offert les services de Stéphane Duval avec lequel il avait déjà collaboré sur Gitans des mers. Son dessin réaliste et légèrement déstructuré se prête à ce récit. Un petit bémol sur le visage de Jean défiguré (il faut dire que c’est casse-gueule de dessiner la laideur !) ! Profitez-en, loin d’être barbant, La Barbe-Bleue est au poil !