L'histoire :
Acte I : La ville lumière : « J'appris que, juste en dessous de la surface, il y a un autre monde, et puis encore différents mondes lorsque vous creusez plus profondément. Je le savais quand j'étais gamin, mais je ne pouvais pas en trouver la preuve. C'était juste comme un pressentiment. Il y a de la bonté dans le ciel et les fleurs, mais une autre force, une douleur sauvage et décadente, accompagne également le tout. ». David Lynch.
De grands évènements ont souvent un début trop modeste pour être remarqué. Une goutte d'eau, un grain de sable, un éclat de verre. Le battement d'une aile de papillon ne peut-il enclencher un processus démesuré ? Mickaël Alphange, casque sur les oreilles, regarde les lumières grises de la ville se refléter sur les vitres de l'autobus qui le transporte vers Notre Dame. Le visage tendu, il pense à l'enchaînement tragique et inexorable des évènements... C'est un apprenti vitrailliste et ce matin, son maître, Philippe, est furieux : un crétin a tiré à la carabine dans une rosace ! On dit que le Moyen-Age, c’était l'âge des ténèbres. Ça fait doucement marrer Phiphi. Il n'y a qu'à aller voir dehors : l'âge des ténèbres, c'est aujourd'hui !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Olivier Ledroit n'est pas un illustrateur. On veut dire par là qu'une BD de Ledroit, c'est une question de voyages. Enfin, c'est lui qui transforme le livre en objet du voyage immobile dans lequel il vous embarque. Le début de ce Troisième œil commence par deux doubles pages et 10 planches muettes qui nous immergent dans un Paris nocturne. Polar oblige, ce sera le théâtre d'un meurtre. Puis vient Mickaël, un apprenti qui travaille sur le chantier de Notre-Dame, qui découvre un éclat d'un vitrail indigo du XIIème, de fabrication alchimique. Mickaël est doué de synesthésie : il a la faculté de traduire les sons, les mots ou les notes de musique en couleurs, formes et textures. Une conjonction d'évènements va l'amener à percevoir l'aura de chaque personne, puis de percevoir l'univers comme un ensemble de vibrations. Olivier Ledroit nous amène donc avec son personnage dans un parcours initiatique d'élévation de l'âme. Ses planches, comme on le disait, échappent à l'illustration. Elles viennent sublimer le texte et l'histoire de ce jeune homme à la perception extrasensorielle qui vient recevoir l'instruction de sages. Pour lui, il est question de transmission, d'autres (et on reconnaîtra Philippe Druillet) passant le relais d'un pouvoir métaphysique : comprendre l'architecture de l'univers. Alors les pages à la beauté cosmique et hallucinée de Ledroit sont comme une nef qui abrite son lecteur. A la façon justement d'un Druillet, il éclate complètement le format des pages quand son récit est empli de symbolique. Le troisième œil, cette métaphore ésotérique, désigne celui qui offre un regard allant au-delà de ce que l’œil perçoit. C'est bien ce qu'Olivier Ledroit révèle à nos yeux et notre âme. Gageons que le tome suivant continuera sous la lumière de ce Paris mystique !