L'histoire :
Le 30 juin 1764, la jeune bergère Jeanne Boulet n’est pas de retour avec ses brebis à la chaumière familiale. Ses deux frères et son père partent la rechercher. Alors que la nuit tombe, ils découvrent son corps déchiqueté, son visage charcuté, dans un coin perdu de la campagne lozérienne. Cette mort annonce le début du règne de « la malbête », plus connue sous le nom de « bête du Gévaudan ». Quelques victimes et quelques semaines plus tard, le premier ministre de Louis XV rejoint François Antoine, alors porte-arquebuse en chef du château de Versailles, au cours d’une de ses chasses. Il lui avoue que le capitaine Duhamel et ses 30 000 hommes ont échoué à trouver la bête responsable des attaques mortelles dans le Gévaudan. Et malgré la prime de 10 000 livres, les normands d’Enneval sont eux aussi bredouilles. Il en va de la réputation du royaume… or il est le meilleur… Monsieur Antoine part donc avec son fils de 17 ans, une troupe de bon tireurs et ses meilleurs chiens, dans le Gévaudan. Ils sont accueillis à Saint-Flour par le Comte de Moncan et le marquis Pierre-Charles de Morange et son fils Jean-François Charles, un dandy alccolique…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le mystère de la bête du Gévaudan a hanté cette région aujourd’hui appelée la Lozère (Mende) dans la seconde moitié XVIIIème siècle. Une « bête » monstrueuse, assimilée à un gros loup devenu anthropophage, y a fait des dizaines et des dizaines de victimes humaines entre 1764 et 1767, dans les dernières années du règne de Louis XV. Si les victimes sont avérées, la responsabilité du loup demeure aujourd’hui encore bien floue… sinon, ça ne serait pas un mystère et ça ne pourrait pas nourrir l’imaginaire de sympathiques scénaristes. Sylvain Runberg prend le parti du réalisme et de la rigoureuse immersion historique. Sous sa plume, avec un grand soin apporté aux dialogues et narratifs, il dépeint les éléments sociaux, politiques et religieux – les phénomènes de cour aussi – qui ont brouillé les pistes sur l’origine animale des attaques morbides. L’Eglise (via l’Evèque de Choiseul) incriminait la punition divine : c’est l’époque des philosophes qui ont détourné les ouailles de Dieu. La famille du jeune narrateur, Robert-François Antoine, fils du porte-arquebuse de Sa Majesté, est en prise directe des traques, avec la population locale. Au terme de plusieurs mois d’une chasse rendue difficile par le relief et le climat, lui et son père parviennent à rapporter la dépouille embaumée d’un gros loup à Versailles… mais sans conviction. C'est de l'affichage, ce qu'on appelle aujourd'hui un « coup de comm' ». D’ailleurs, les attaques continuent. Comme dans le film le Pacte des loups, la dimension complotiste peut alors pleinement se déployer, dans les dernières pages de cette première partie de diptyque. A priori, Runberg prend lui aussi le parti d’un tueur en série avec des talents de dresseur de fauves, une hypothèse plausible. Mais gardons-en un peu sous le pied pour le prochain tome, en profitant du superbe dessin encré de Jean-Charles Poupard, au réalisme certes académique mais très abouti (les décors, les costumes…) et régulier.
