L'histoire :
Martin, Gab et Emile sont trois enfants qui vivent dans la rue, et tentent tant bien que mal de remplir leur estomac chaque jour. Ils ont réussi à subtiliser une bourse pleine de pièces à une vieille dame, et décident de s'offrir une superbe miche de pain dont l'odeur émane de l'étal du boulanger. Mais la victime se rend rapidement compte du vol, et un policier retrouve les enfants, qui s'enfuient, leur boule de pain sous le bras. La course poursuite les mène vers les grilles fermées d'un parc envahi de brume, aux confins de la ville. L'agent s'approche en courant, hurle aux enfants de ne pas entrer dans la propriété maudite, mais à travers une brèche dans le mur d'enceinte, les fuyards pénètrent dans le parc immense. Il trouvent refuge dans un château en ruines, mangent assis sur le sol, et s'endorment. Mais dès le milieu de la nuit, comme dans une sorte de rêve éveillé, Emile marche vers le bord d'un superbe bassin rempli d'eau, où une créature aux allures de sirène s'adresse à lui. Elle semble le comprendre, partager ses sentiments de jeune enfant orphelin, et lui demande de le rejoindre. Alors qu'il s'approche du bord du bassin, Martin surgit et le rattrape au tout dernier moment, hurlant de peur. Cette première rencontre au sein de l'immense château sera suivie d'une seconde encore plus étrange, qui va bouleverser les trois enfants.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans ce one-shot onirique, Boiscommun continue de mettre en images les décors qu'il aime: des villes aux allures médiévales, des paysages magiques et brumeux, et de jeunes enfants aux airs de poulbots. Il le fait ici en couleurs directes, offrant quelques pleines pages soignées aux infinies nuances de bleu. Tout l'album respire cette envie de plonger le lecteur dans un monde différent, totalement imaginaire, sans époque et sans nom. L'auteur a choisi de faire parler ses personnages dans un français ancien, un argot des rues qui situerait son histoire dans une sorte de 19è siècle revisité. Un étrange choix peut-être pour ses lecteurs potentiels qui seraient des ados d'aujourd'hui, pas forcément tous férus de Victor Hugo. Le déroulement de cette histoire la réserve pourtant clairement à un public jeune. Ses héros progressent dans une continuité de temps sans flash back ni digression, alternant évènements et rencontres, émaillant leur parcours de dialogues sans fioritures. La densité de l'histoire ne dépend donc que de la qualité de la mise en scène des évènements, et de l'existence d'effets de surprise. Pas évident au final car on ressent une certaine perplexité à la dernière page de cet album, qui boucle son intrigue en donnant l'impression de n'avoir jamais réellement commencé. On se dit alors que Boiscommun a peut-être voulu nous emmener dans une sorte de rêve, une échappée visuelle portée par son grand talent d'illustrateur. Mais on se prend à rêver aussi d'une nouvelle collaboration de ce graphiste talentueux avec un scénariste aguerri.